samedi 29 mai 2010

Crise des automates.

"C'est normal ce que tu traverses, c'est à cause de la crise d'adolescence".
"Tu peux pas encore comprendre, mais tu comprendras un jour".
"Tu sais bien qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie, alors autant que tu apprennes tout de suite. L'école est là pour là aussi, pour t'apprendre à faire des efforts, à travailler."

"Aaaaaaaaaaaaaaaaaaah."

Crevez, mouches à merdes. Je vous encule, et évidemment, enculer les mouches ne sert à rien. Je vais quand même vous conter l'histoire de notre Monde.

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      Il était une fois une gigantesque Usine, un bâtiment phénoménal où se trouvaient des milliers de tapis roulants. Cette Usine produisait des automates.
Ils partaient d'endroits très variés de l'usine mais arrivaient tous dans la même Montagne.
Cette Montagne, c'était une Montagne de détritus où chaque automate, transporté par le tapis, allait s'écraser.

 "NON ! NON ! NON ! PUTAIN, NON !"

Un grand cri résonnait parfois dans l'immensité de l'Usine. Comme un automate qui pétait les plombs, d'un coup, sans prévenir. Qui levait les deux bras, les agitait dans tous les sens et hurlait :
"Mais merde, vous voyez pas où nous emmènent ces tapis roulants ?"
Ce genre de réactions devenait fréquent, dans l'Usine. Les autres automates le regardaient alors sans comprendre, avant de reporter leur attention sur la direction de leur tapis roulant...


Cependant, certains prenaient un marteau, essayaient de frapper le tapis roulant, puis, voyant l'absence de résultat, décidaient d'en sauter. Dans le vide.
Mais ce vide n'était pas si vide. C'était le sol de l'usine.
Ensuite, ils se retrouvaient à errer dans l'usine en regardant tous les tapis roulants et les automates au-dessus.
Ils en concluaient qu'il ne fallait jamais suivre le tapis, qui menait à la montagne ignoble. Une montagne toujours laide, que l'on arrive à s'écraser tout en haut ou tout en bas.
Et finalement, ils finissaient par trouver la porte de sortie. La porte de l'Usine. Celle qui malgré les apparences, était ouverte, grande ouverte même. Devant cette porte il n'y avait d'autres vigiles que les mouches qui tournaient autour du cerveau des automates. Identiques à celles du début de ce récit. Ces mouches noires et poilues. Qui veillaient à les faire se détourner de la porte pour ne voir que l'autre direction, la montagne d'ordures. Qui veillaient à leur inculquer les principes de ceux qui avaient intérêt à ce que tous les automates suivent le tapis.
Je veux parler de ceux qui avaient des armures pour ne pas s'éclater sur la Montagne. Ceux qui naissaient avec des casques et des jambières, des coudières et des air-bags, et surtout qui naissaient sans articulations. Ils ne pouvaient détourner la tête du haut de la Montagne.

 
Sur le chemin tortueux mais morne que suivaient les tapis, il y avait beaucoup d'automates qui, après avoir sauté, finissaient par remonter.
Parfois même celui qu'ils avaient quitté ou presque.
Mais il y avait un petit nombre qui trouvaient la porte de l'Usine, lui disaient merde et la quittaient.
Et parmi ceux-là encore, il y en avait qui finissaient par rentrer, n'arrivant pas à vivre dans la forêt dense qui l'entourait.


Il ne restait plus que ceux qui vivaient à l'extérieur et qui pleuraient en pensant à tous ceux qui ne descendraient même pas du tapis. Qui toute leur vie avaient frappé sur les tapis, avaient gueulé en montrant la porte, avaient attaqué les murs de l'usine, de l'intérieur, puis de l'extérieur. Qui ne pouvaient pas être complètement libres tant que les automates continueraient à sortir des machines et à s'éclater sur la Montagne. Qui souhaitaient donc les libérer. Ils avaient compris que ce n'était pas en s'éclatant sur la Montagne qu'ils y arriveraient.

Quelques vents qui parcouraient encore la Montagne, soufflaient à ceux de l'Extérieur qu'un jour pas si lointain, il n'y avait pas l'Usine. Ni pour les jeunes automates, ni pour les vieux. Et que s'ils arrivaient à brûler la Montagne composée des corps des automates-ouvriers, l'Usine s'écrouleraient d'elle-même. Certes, cela écraserait une bonne partie des automates encore vivants. Mais de toute façon, ils s'écraseraient tous, un jour où l'autre, sur la Montagne si cet état des choses continuait.

Et il y avait de jeunes automates qu'on qualifiait alors de fous, qui rêvaient à des choses incensées et bannies de l'Usine. Des choses appelées "Justice" et "Liberté". Certains parlaient même d'une chose appelée "Révolte". 
Ces automates avaient vite été rattrapés par les mouches à penser qui s'étaient empressées de remplacer ces mots par "Lois" et "Travail". Et le dernier mot par "Consomme".


Un murmure, un imperceptible murmure tremblant, que même les vents n'osaient transporter, crachotait parfois un son étrange, qui suggèrait aux oreilles attentives de ceux qui dormaient dehors, un mot bien étrange. "Vérité". Mais on avait depuis longtemps oublié sa signification. Et puis, de toute façon, le fracas de l'Usine empêchait à quiconque de l'entendre.

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Je vous le demande vraiment, automates qui me lisez peut-être.
Y'a-t-il une autre solution que de brûler la Montagne pour ne plus jamais la reconstruire ?
Y'a-t-il une autre solution que de démanteler, de détruire, centimètre par centimètre de béton, l'Usine bâtie dans nos têtes ?
Y'a-t-il une autre solution que de sauter du tapis ?
Y'a-t-il autre chose à écouter que le murmure des vents que le fracas de l'Usine nous empêche de comprendre ?

mardi 11 mai 2010

Marche ou Rêve.


Il ne s'agit pas d'une injonction d'un jeune homme impuissant à son engin trop mou. Simplement l'ordre d'un jeune connard qui croyait en l'amour, la charité et la soumission à une autorité supérieure à l'Homme. Qui créa une chose qui donna naissance ensuite à l'Inquisition, aux Croisades et à d'autres choses tout aussi joyeuses.

Marche. MARCHE BORDEL !
Marche dans les manifestations mais ne soit pas violent.
Marche dans la vie, fais carrière. Marche, marche, et ne t'arrête pas ! Le vieux monde est devant toi.
Marche sur les autres pour parvenir à tes fins, de toute façon si ce n'est pas toi ce sera ton frère.
Surtout ne marche pas sur les plates-bandes de l'Etat.

Marche ou rêve. Crrr...  

Rêve !
Le sens c'est la couleur de nos rêves, le sens c'est notre révolte.
Rêve et ne les suis pas. Rêve et ne marche pas sur leur pas.

Crrr...Rêve et ne fais rien, rêve mais continue à marcher ou fais toi discret.
Rêve mais ne raconte pas trop tes rêves, ça pourrait en conduire plus d'un à arrêter de marcher.
Si tu ne marche pas, c'est l'arrêt de marcher. La chute du marché.
Si vous ne travaillez pas, nous n'existerons pas !
Si vous ne vous soumettez pas, nous n'existerons pas !
Alors rêve si ça te plaît, mais marche. Ou crève.

Quicquonque est paresseux est un fardeau pour la Sôciété. Ren-ta-bi-li-té !

MARCHE. MARCHE. MARCHE.
RÊVE, mais alors de bagnoles, de fric et de grandes baraques. RÊVE d'un mariage heureux avec une femme, deux enfants et un chien. RÊVE de villas en Floride ou de Los Angeles. RÊVE d'une belle Merco ou de splendides pin-up ! RÊVE de tâches ménagères et d'être propriétaire !
RÊVE d'une vie meilleure qui n'arrivera qu'en se rapprochant le plus possible de la classe du dessus. RÊVE d'un monde impossible mais continue à faire marcher le nôtre. RÊVE de consommation, ou CRÈVE.

CRÈVE. CRÈVE. CR...

Je vois ces automates qui ne remettrons jamais en causes les bases du monde-un qui les a produit. Je vois ces humains-loques qui rampent dans ce Monde hideux. Je vois ceux qui prétendent être "chanceux". Je vois ceux qui se plaignent et espèrent la fin de la crise. Je vois tous ceux qui rampent pour leur salaire, qui jamais ne reconnaîtrons que l'ordre social est injuste à sa base. Je vois ceux pour qui le patronnat est devenu une norme, comme les supermarchés, les cités et les lampadaires. Je vois tous ceux qui cherchent à améliorer ce qu'ils voient donc comme une ébauche d'un monde parfait auquel il reste des défauts. Je vois les automates neufs et pas encore rouillés qui ne rêvent que de pétrole pour les alimenter et de métal pour s'en décorer. Je les vois espérer un paquet de métal sacré en admettant sans la moindre honte qu'ils se soumettrons toute leur vie comme ils le font toute la journée dans leur usine à adulte.
Il suffit d'en être un peu sorti pour voir qu'à côté de Babylone, derrière l'usine à adulte, c'est la Vie. Derrière, il y a des plaines, pas très vertes non, mais immenses et vides. Des forêts sombres dans lesquelles aucune tour ne pousse car aucun automate ne s'y aventure.

Surtout pas ! Ce ne serait pas sécuritaire.
Il vaut mieux continuer à marcher, et à rêver un peu histoire de colorier d'un rouge pâle la tôle grise qui te sers de coeur. De toute façon une fois qu'on a tué sa conscience, on peut colorier son coeur tant qu'on veut, il ne fait qu'envoyer du pétrole dans la machine. Alors marche, rêve et crève.

J'aime tous les Hommes pour ce qu'ils devraient être, mais je les méprise pour ce qu'ils sont.

"Vous avez cru jusqu'à ce jour qu'il y avait des tyrans ? Et bien, vous vous êtes trompés, il n'y a que des esclaves ! "

Et les esclaves sont souvent leur propre tyran...

La Défense (2)

La Défense. Ca brille tristement, c'est haut et c'est laid, surtout.
Du gris et du vert. De l'acier et du verre. Triomphe du Progrès.
Une zone industrielle.

Des costards noir qui avancent. Remplis par des choses qu'on appelle encore "Humains". Tu parles. Ce qui reste d'humain là-dedans, c'est l'anus, la bite et les yeux. Ca continue à regarder, à bander et à chier, mais à part ça c'est mort. C'est la Mort. Ce sont tous des morts qui avancent encore, aussi laids que leurs vies, aussi vides que leurs portefeuilles sont pleins, aussi sombres que leurs cravates, aussi lisses que les tours où ils travaillent.

Ils sont morts. Mêmes les plus beaux d'entre eux ont quelque chose de laid au coin de la bouche, en haut du front, à la limite des yeux. Ils avancent. Ils sont pressés. Ils lèchent le cul du supérieur parce qu'ils n'aspirent qu'à lui ressembler, à le remplacer. Compétition. Le mot sacré.

Pas seulement. En réalité, ils n'existent pas. Ils n'existent que dans l'oppression qu'ils opèrent sur le "petit peuple". Le personnel. Ils n'existent que dans l'oppression tout court, en fait.
Ils ont des femmes de ménage, voire des domestiques pour les mieux placés. Au bureau, mais aussi chez eux. Parfois, ils s'agit de leur femme. Ou de leur mari. Ou d'une personne inconnue qu'ils méprisent avec complaisance, qui est invisible humainement pour eux et qui n'en a rien à foutre de leur nettoyer leur maison, mais qui le fait pour les miettes qu'ils daigneront lui laisser. Pourtant, c'est elle qui les nettoie, les miettes.
Ils ne nettoient pas leur bureau, ils ne font pas leur bouffe, ils ne fabriquent pas ce qu'ils vendent, ils ne produisent rien, tout ce qu'ils possèdent vient de la production de ceux qu'ils méprisent. Ils ne vivent que pour le fric. Et puis aussi un peu, pour en jouir. Pour leur petite femme et leurs potes, assistés eux aussi. Et après les libéraux de droite crachent sur "l'assistanat" !

Je ne vous apprend rien.

Ils sont déjà morts.
Bronzés, temps grisonnantes, têtes de supermarché. Consomme.
Ils ne voient pas le problème ! Après tout, ils ne sont pas rentier, "eux aussi" ils bossent.
"Sans eux, les produits ne seraient pas vendus, donc bon, hein, tous ces ouvriers devraient leur être reconnaissants".
Après tout, ils les laissent leur rénover leurs baraques, leurs construire des bagnoles et des piscines. Comme ils sont généreux.
Sans eux, putain, qu'est-ce qu'ils feraient, tous ces sales prolos ?

Et bien ils seraient libres.
Libres comme des hommes et des femmes.


Qu'on reprenne à César ce qui est à nous.

lundi 10 mai 2010

La Défense.

Du verre. Du verre, du verre et encore du verre.

Le Progrès défiant la Nature. Allégorie de la bite dressée ?
L'intérêt de ces tours transparentes en apparence, mais abritant des choses bien moins transparente, est qu'au moins, c'est aussi moche qu'un HLM. Comme quoi.
Ce paradis. Il n'existe pas. Il n'y a rien à voir du haut de leurs monuments à la gloire du Capital. Un monument au Mort, quoi.

8:00. La masse noire arrive. Décervelé. Ca rentre, ça sort. Une grosse bite qui éjacule. Noir.
Des costards, des costards. Des cravates. Un cimetière qui grouille.
Sur la carte, ils indiquent que pas loin, il y a le cimetière de Neuilly. Mensonges. Le cimetière de la classe dirigeante, il n'est pas là, il est à la Défense. Les aristocrates pleins de cokes, ils sont peut-être enterrés à Neuilly, mais les réels enterrés vivants, ils sont à la Défense. Leurs valets travaillent pas loin, ça doit être rassurant pour les haut-bourgeois d'avoir une vue sur les tours où les costards s'échinent. Histoire de ne pas oublier le monde qu'ils ont créé. Tant de beauté dans ces tours et ces tunnels, ces parkings et ces bureaux. C'en est insoutenable.

10:00. On voit des costards remplis de chair humaine.
Il y a les costards des vigiles, les costards des valets qui jouent aux puissants, et les costards des dirigeants.
La mort, elle est là. Je la sens.

Argent virtuel, compétition, hiérarchie ma mie ! La Défense de quoi au juste ?
La défense. Comme celle des éléphants que les ancètres des cadres coupaient en Afrique pour le métal sacré, et dont aujourd'hui, ils ont fait leurs tours d'ivoire.
La défense. Défense de faire du bruit. Un cimetière d'acier, sans bruit. Silence on tue, silence on assassine. On charcute des loques déshumanisées et le responsable n'est pas là. Le responsable n'existe pas. Les costards se sont eux-mêmes coupé la tête. Des névrosés qui se frappent à longueur de journée, et qui aiment. Ils se flagellent, se coupent la gorge devant des écrans que leurs yeux fixent. L'élite de l'Humanité.

Bronzés, tempes grissonantes ou coupe au carré avec permanente. Magasins pour commerciaux. Moquette et baies vitrées. Un monde à part.
Un monde de loques. Déshumanisés aux commandes d'une société qui s'affaisse. Des assistés.
Désaxés. Il y a du personnel à l'entrée, du personnel qui nettoie, du personnel qui fabrique ce qu'on vend ensuite. Du personnel vulgaire et méprisé. Du personnel. Des esclaves au services de valets.
Où sont les maîtres ?
Aujourd'hui, les maîtres se cachent derrière l'anonymat des multinationales. Le monde est leur parcours de golf.
Où êtes-vous ? Où êtes vous, dirigeants d'une société pourrie ?

Je n'en peux plus. Je ne les vois pas mais je trimerais toute ma vie pour eux. J'ai déjà vu la "maison" (le chateau) de l'un d'entre eux, on me l'a montré, on me l'a décrit avec jalousie, mais il n'existe pas. Il n'y avait personne dans le "jardin" (le parc), personne à l'entrée, personne dans la voiture. Il n'y a personne ! Une cage dorée mais l'oiseau y est mort, il ne reste que les plumes qui tombent en tournoyant, les pattes qui serrent toujours le magnifiques barreau, le bec qui mange les graines, mais jamais la conscience ne renaîtra !

Amour ! Espoir s'il s'agissait de phoenix ! Je les imagine brûlant, mourant, renaissant de leurs cendres et détruisant leur cage, déployant leurs ailes atrophiées et lâchant enfin ceux qui avaient été assez stupides pour aller se nichez dans leurs pattes décharnées !

Désespoir.

Ce ne sont que des moineaux qui jouent à l'Aigle. Qui volent de tour en tour et de meurtre en meurtre. Ah, ce sont nos vies qu'ils volent.

La Défense. La Défense des Privilèges.
Un libéralisme incroyablement décomplexé mais qui se cache. Une classe dirigeante qui tue, mais qui répugne à regarder ses victimes.
Autrefois l'usinier avait la décence de vivre au milieu de ceux qu'il opprimait.
Aujourd'hui l'industriel travaille dans son immense bureau de la Défense, et ne passe dans ses usines que très rarement, et en évitant soigneusement les salariés. Toujours à râler, ceux-là. On les nourrit, on les loge, on les embauche, on leur refile des miettes, on bouffe sur leur dos et ça lutte contre nous.
 
La Défense est un monde illusoire. Il n'existe pas. Ou plutôt, sans le "petit peuple" qui vit loin d'Elle, elle n'existe pas. Le Capital entier n'existe pas. Aucun cadre, aucun patron n'existe sans ses esclaves. Ni ses dividendes, ni ses stock-options, ni ses bénéfices, ni ses bureaux, ni ses produits, ni rien.
Ce monde est un cimetière peuplé de créatures de tissus qui n'existent pas. Mais qui dirigent.

Leurs privilèges ne leurs servent qu'à acheter des boîtes plus grandes, des boîtes qui roulent plus vite, des boîtes qui volent plus haut. Ils sont déjà morts.

La Défense.
La Défonce, oui.

mercredi 5 mai 2010

La bombe.

Réponse à Eadgydh.

Dynamite dans le soir lointain. Explosif dans la presse à merdes. Bombe dans le magasin de jouets.
Quelle bombe ?
Celle qui, en roulant du cul, se fait prendre en photo pour couvertures de magazine retouchées à Photoshop ? Celle composée de mots, qui tombe dans la mare de boues des articles de journaux quotidiens, et qui par son explosion de sens éclabousse les mornes nouvelles apportées par le journal ?
Ou celle de Ravachol, nytroglycérine qui par son action, révèle à la bourgeoisie que les opprimés ne sont plus dupes, bombe éphèmère et non aboutie qui fut la cause de la mort de cet anarchiste, et non la cause de la mort de l'Oppression...
Bombe du désespoir qui se sait, seule, inutile, mais qui explose quand même, par révolte et par refus ?
Bombe des Justes, tuant le Grand Duc, bombe à lancer sur les puissants, pour tuer le despotisme. Bombe révolutionnaire, bombe du refus, bombe qui crache à la gueule du bourgeois : A la violence diffuse de l'oppression de classe, nous opposons la violence immédiate de nos bombes.
Quelle bombe, aujourd'hui ? Celle d'Emile Henry qui venge Ravachol et Vaillant en tuant des bourgeois au hasard ?
Quelle bombe ? La bombe H qui extermine des milliers de personnes pour une poignée d'élites (du moins dans son statut) qui elle, jamais ne sera tuée ? Guerre...
Quelle bombe ? Celle qui n'a jamais explosé et qui dans un an, peut décimer la France en un seul clic, en un seul boum? Qui fera tant de mort que l'horreur en disparaît pour laisser place à une statistique, un chiffre irréel et absurde de morts virtuels...Et pourtant bien réels.
Quelle bombe ? Celle de demain qui réduira la Terre en cendre ? Celles dont les écologistes bien pensants rejettent l'existence, se font voir dans des spectacles de "contestation" éphèmère, et au lieu de lutter contre le Monde qui la produit, publient des inutiles critiques au vitriol ?
Nous serons tous foutus dans du formol.
Moi, je regrette amèrement Ravachol.

Un gobelin dans le tromé.

Pâle habitude du métro parisien, vague mouvement monotone du wagon qui ne va nulle part. Un enfant, son père. Différents. Différents parce que sans argent, sans toit. Comme beaucoup de gens dans le monde. Qui s'en accomode très bien. Pas en France. En France, quand on n'a pas d'argent, on est différent...et on n'a droit à rien. Même pas la bouffe. Oh ! Il y en a assez pour tout le monde, ce n'est pas le problème. Oui. Le problème c'est qu'il faut payer. Même quand n'a pas d'argent, il faut payer. Si, si. 'Veut pas l'savoir. L'enfant et son père distribuent des cartes, toujours identiques, roses, avec toujours le même texte. Ils donnent du "Monsieur", "Madame" à des gens qui ne les regardent même pas.
Un jeune enlève son sac, donne une tablette de chocolat. Ce même jeune qui était assis à côté de moi pendant l'examen pour entrer en bac professionel aux Gobelins. Ce même jeune qui avait attiré mon attention deux heures auparavant. Voilà. Il est seul à faire ça.
Moi. Moi je dis à l'enfant "Je n'ai rien, désolé". Facile. Facile surtout que deux minutes après je me rappelle : j'ai une pomme dans mon sac. Ah. Merde. Je n'en n'ai pas besoin, moi. Eux, si. Je m'emballe, j'hésite ; ils sont à l'avant du wagon, je peux y aller. Oui, mais je n'ose pas : j'ai déjà dit "Non, j'ai rien, désolé". Comme tous les autres. Qu'est-ce qu'ils vont penser ? Qu'au départ je voulais pas leur donner la pomme ? Absurde questionnement. Ils ont faim, j'ai de la nourriture dont je n'ai pas réellement besoin. Trop tard. Ils se sont noyés dans la foule, la foule qui a les oreilles bouchées par des écouteurs, les yeux baissés sur des portables, la bouche crispée, les membres raides et le coeur mort.
La conscience...Vous l'avez foutue où, votre conscience ? Hein ? Pour devenir adulte, il faut la faire taire, sa conscience, parce que sinon on en crève ? Les sens coupés de la vie, assis dans vos métros qui vont à fond la caisse. Où ? On n'en sait rien. Vers le succès sans doute, la réussite, le travail, le fric. La mort, quoi.
Une femme. Plus tard une femme qui demande à chacun "Bonjour madame, bonjour monsieur, une petite pièce ou un ticket restaurant s'il vous plait. Bonjour madame, bonjours monsieur, une petite pièce ou un ticket restaurant s'il vous plait. Bonjour madame...".
Devant moi il y a un homme, grand, assez vieux, peau noire, costard cravate, valise. Il a un casque sur les oreilles, il dort. A côté de lui, sur le strapontin, il y a un jeune, gras, pompes de skate et parka. Il a un casque sur les oreilles, lui aussi. Il regarde devant lui, mais il ne voit rien. Elle répète son texte, deux fois, les yeux vides, ou même plus que vides ; les yeux du désespoir si profond qu'on n'en revient jamais. Le désespoir, parce qu'ils n'entendent même pas. Le gros skateur regarde devant lui, il n'entend pas, il ne voit rien. Elle n'existe pas. Elle se tourne. Elle n'écoute même plus ce que les gens répondent, puisqu'ils n'écoutent pas non plus. Elle répète son texte, quelle que soit la réaction. Les gens ont beau dire "Non, désolé" en secouant la tête d'un air faussement triste, ils n'échapperont pas cette fois à la répétition mécanique.
"Bonjour madame, bonjour monsieur..."
Une autre femme. Elle chante. Personne n'écoute.
Je tourne. Je tourne et je ne fais plus de regard faussement triste de petit bourgeois compatissant. Non. Je tourne mentalement, car physiquement je reste assis. Impuissance.
Je refuse. Non. Jamais plus je n'oublierais de donner ma pomme, mon sandwich ou mon bout de pain. Ce n'est pas une action de faire cette charité, c'est une non-action. Je déteste les gens qui s'y adonnent comme à un sport, une activité ou un passe-temps. Non. Moi, c'est simplement que si j'ai de la bouffe, je la donne quand je croise quelqu'un qui en a besoin. Un enfant au ventre creux dont les yeux brillent en voyant une plaquette de chocolat Max Haavelar. Un mot me vient : "Enculé". Non pas que je pense particulièrement que Haavelar est homosexuel, mais simplement parce qu'il est inutile...et dangereux.
Je ne crois pas en la charité. L'enfant mangera le chocolat, et demain il aura faim.
Oui. Sauf qu'il ne mangera pas ma pomme.
Je refuse. J'ai mal à la tête parce que je le savais, putain, que les gens s'en foutaient, que le monde était laid, que Paris est laid dans ses sous-sols, dans ses rues, dans ses boulevards et même dans ses appartements de luxe. Il est laid parce qu'il est misérable, il est laid parce qu'il permet ce genre de choses. Mais tu le savais, putain. Pourquoi ça te touche à chaque fois comme le premier jour où tu as vu ça ?
Parce que. Parce que mon coeur est encore là. Pour combien de temps encore, je ne sais pas. Aujourd'hui, j'ai la rage. Et demain ?