jeudi 30 décembre 2010

Changement d'adresse.

Voilà, je change d'adresse ; je quitte Blogger pour Eklablog. Histoire de mettre du son directement, et de pouvoir créer une mise en page.


http://filsdelachimere.revolublog.com/

Je balance tous mes articles d'ici sur le nouveau blog.

mardi 26 octobre 2010

J'irai cracher sur vos tombes.

Medine - Petit Cheval

J'irai cracher sur vos tombes, vos tombes grises surmontées d'un énième symbole taché de rouge et drapé de tristesse.Vos tombes de ciment. Ciment entourant vos os trop blancs, empêchant votre corps de nourrir un arbre, de nourrir la vie.
J'irai cracher sur vos tombes comme on crache l'amour, à genou sous le poids de la tristesse qui me colle à la peau, comme on s'écroule parfois sous le désespoir, avant de se relever. Encore faut-il n'être pas dans un cercueil.
Comment faites-vous ?
Comment faites-vous pour ne pas sortir parfois dans la rue, de regarder au ciel et de tomber à genou, le visage crispé de douleur, en pleurant sur le Monde que vous avez fait fonctionner ?
Comment faites-vous pour ne pas penser à ce que vous regrettez ? Pourquoi continuer à vivre vos vies que vous n'aimez pas ?
Pourquoi n'arrivez-vous jamais à surmonter votre éducation, vos sophismes, vos normes, votre civilisation ?

J'irai cracher sur vos tombes, pour votre acceptation de votre propre douleur, parce que vous vous êtes vous-mêmes aveuglés, parce que vous vous êtes rendus malheureux tout seuls.
J'irai cracher sur vos tombes, pour n'avoir pas compris que vous n'avez jamais hérité de la Terre de vos ancêtres, mais que vous deviez l'emprunter à vos enfants, et que vous en avez fait une immonde usine technologique.
J'irai cracher sur vos tombes pour qu'après avoir été forcés à entrer dans l'Ecole, vous y soyez restés pendant plus d'une dizaine d'années, parfois beaucoup plus, sans jamais oser partir, et sans jamais en être sortis. Jamais. Vous êtes sortis de l'Ecole, Elle est restée dans vos têtes et dans vos vies.
J'irai cracher sur vos tombes pour votre mépris des enfants, pour l'ignoble pouvoir des adultes sur les enfants sans aucune raison, supériorité que la norme sociale seule vous fait tous accepter. Sans aucune raison au monde, hormis celle du plus fort.
J'irai cracher sur vos tombes pour avoir tué vos enfants et pour vous être laissés tuer vous-mêmes.
J'irai cracher sur vos tombes, comme on crache un fond de bile quand on n'a plus rien à vomir.
J'irai cracher sur vos tombes pour vos illusions, pour la Mort qui couronne vos vies absurdes, pour ce que vous avez fait et que vous avez laissé faire, pour les solutions que vous croyez apporter.
J'irai cracher deux fois sur les cercueils en bois biologique "Développement Durable".

J'irai cracher sur vos putains de tombes, j'irai y dégueuler toute ma haine et mon impuissance, et quand ma salive se tarira telles les rivières que Danone assèche, mes larmes tomberont sur la pierre lisse.
L'orage se déchaïnera alors, pour faire ruisseler la boue accumulée dans vos allées sinistres, les éclairs strieront le ciel et je remonterai ma capuche. Je quitterai le cimetière en ayant réservé un dernier crachat pour ma propre tombe qui restera vide, et quand plus tard un rayon de soleil m'éblouira après la tempête, mon visage se fendra d'un sourire.

mardi 12 octobre 2010

Début du voyage en Bretagne.

Voilà enfin le récit complet. Lettre à ma plus petite soeur. [Edit : suite et fin]


Je suis dans le train qui me ramène à Paris. Sur la petite table en face de moi se trouvent des livres éparpillées, un bout de carton servant de plateau d'échecs, les billets de train, des stylos qui roulent au gré des mouvements du wagon. La fenêtre tremble. A coté de moi, Ismaël écrit à Jojo. Tu ne connais ni Ismaël ni Jojo, il faut que je te les décrive et de toute façon j'ai envie de te raconter mon voyage. [...]


Ismaël joue "Santiano" à la flûte irlandaise. Martin dessine. Le train roule toujours et il commence à faire nuit. En regardant par la fenêtre, je vois le plus beau ciel que j'aie vu de ma vie. Les nuages oranges vifs ont envahi le paysage et entourent un rond de ciel bleu. C'est magique, un de ces moments magnifiques qu'on trouve sur la route. La route qui a commencé il y a une quarantaine de jours, bien que j'aie l'impression que ça fait des années...

C'est le matin. Je me lève du hamac en lin bleu chez Martin, qu'on appelle Anaryax, et j'observe immédiatement qu'une tempête fait rage dehors. Nous enfilons nos ponchos et nous partons prendre le train RER qui nous emmènera à Cergy. Dans la gare je me tords la cheville, ce qui m'oblige à construire une attèle avec deux bouts de bois et un sac poubelle jaune. Martin et moi devons arriver à Beauvais pour 18h, car nous avons rendez-vous avec des potes là-bas. Après avoir été poursuivis par un petit chien, nous débarquons sur les routes de campagne qui mènent vers le Nord, entourés de champs de blé dorés.

Nous arrivons tôt à Beauvais et, après avoir attendu un peu à la mairie, nous repartons vers Amiens. Le soir, mon pneu crève, et je suis malade, ce qui nous force à installer nos hamacs sur le bord de la route. Le lendemain, Martin va acheter des chambres à air, on galère, on en crève deux parce qu'on n'a pas les bons outils, mais on repart. On arrive à Amiens, où on rencontre Alex, qui mendie devant l'Hôtel de Ville. Il est grand, avec la peau mate et une crête jaune. On s'amuse un peu en observant les passants et leurs réactions ridicules, puis on rentre chez lui. Il squatte à l'extérieur de la ville, dans une grande maison avec une dizaine de chambres et un jardin immense où trônent de grands pins. Ils sont une douzaine à y vivre, pour la plupart assez vieux. On fait un barbecue le soir ; je reste avec Alex autour du vieux bidon enflammé où cuit le riz, pendant que Martin dort dan le jardin. Pendant trois jours, on reste là, à attendre qu'Alex trouve un vélo pour nous accompagner.

Au squat, il y a presque 20 chiens, qui aboient souvent et jouent toute la journée. Dans la soirée, tout le monde discute autour de la grande table. Patoche est un squatteur qu'une trentaine d'années. Il a beaucoup marché et voyagé dans le monde, vivant sur les routes. Il a été en Europe de l'Est, en Espagne et au Mexique, où il a croisé un puma une nuit de bivouac dans la forêt. Aujourd'hui, il a des problèmes au coeur et ne peut plus voyager. Il a un chien superbe, une espèce de boxer roux, qui vient nous lécher les mains chaque fois qu'on rentre dans sa chambre. Tous les adultes boivent beaucoup de bière et regardent la télévision qu'ils ont réussi à installer. Les Pekatralatak passent en boucle. Nous mangeons des raviolis végétariens. On s'ennuie. Finalement, Alex emprunte un VTT et nous partons pour un petit village à 25 km d'Amiens, où habite l'ami d'Alex, Zeppo. Derrière sa maison, il y a un bois. Le vélo de Zeppo doit être réparé par son oncle. Pendant quelques jours, nous mangeons des chaussons aux orties et aux coquelicots cuits dans les braises.

Enfin, le vélo est réparé, nous pouvons prendre la route.
Nous passons par Amiens et nous pédalons toute la journée. Zeppo a du mal à suivre car son vélo est vieux et abîmé. Le midi nous mangeons des conserves devant un supermarché et la caissière nous offre un gâteau, coûtant plus cher que le reste de nos achats. Après nous être reposés au pied d'un arbre sur le bord d'un lac, nous repartons sur une départementale vide, si vide qu'elle paraît abandonnée. Nous en sortons en passant par dessus les barrières du côté et trouvons une forêt en pente entourée de champs. Nous y faisons cuire le riz et les haricots avant de dormir profondément, perdus dans la Normandie. La nuit, un renard passe et nous réveille. Le lendemain, nous roulons toute la journée. Les champs défilent. Le soleil tape durement sur nos nuques et une montée raide accapare notre énergie. C'est difficile mais je suis heureux en pensant à la liberté sans limite d'un groupe d'individus, et en observant le oiseaux voler dans le ciel sans nuage. Le soir, on installe le bivouac à côté d'un trou d'obus, en pleine forêt. Le fossé fait une dizaine de mètres de profondeur et est très impressionnant. Les étincelles du feu s'éteignent dans l'ombre des arbres.

Le lendemain, Zeppo et Alex nous annoncent qu'ils préfèrent continuer seuls, sans arriver à nous expliquer clairement pourquoi. Martin et moi sommes tristes et déprimés, profondément déçus. Alex n'a plus le cœur à aller en Bretagne lui et Zeppo veulent retourner sur leur pas et aller à Dieppe. Martin pense à rentrer chez lui, mais je suis déterminé à aller en Bretagne et nous reprenons la route. L'atmosphère du voyage change, c'est un nouveau départ, nous finissons par être calmes, sereins. La route est bordée de forêts denses de pins.

Pendant une dizaine de jours, nous traversons toute la Normandie. Chaque soir, nous quittons les départementales grises pour prendre les petits chemins dans la fraîcheur de la nuit tombante, guidés par les grillons. Souvent, il nous suffit de trouver une forêt ou un petit bois. Une fois, nous nous perdons parmi des fermes e sommes bloqués par des barbelés qui nous empêchent d'aller dans les bois. Nous passons la nuit à même le sol, couchés sur des matelas d'herbes, le ventre rempli de mûres. Une autre fois, nous entrons dans une forêt où les orties et les sureaux poussent en grand nombre. Dans une clairière, nous voyons des dizaines de lapins fuir au fur et à mesure de notre avancée. Cette forêt semble regorger de vie, les cris d'oiseaux jaillissent à chaque instant, et nous nous endormons en écoutant les couinements d'une souris ou d'un mulot.

Les journées défilent, toutes uniques. Assis sur nos selles, nous parlons peu. On pédale. Nous traversons les départements sans qu'aucune ligne ni frontière n'apparaisse. La terre serait-elle libre ?

Plusieurs fois nos pneus crèvent et nous les changeons sous la pluie ou le soleil. Une fois que nous n'avons plus de chambre à air, nous attendons sous la pluie. Les voitures passent devant nos pouces levés, sans s'arrêter.

Un jour pourtant, en haut d'une colline, nous contemplons le Mont St Michel, au loin. La longue route qui serpente parmi les champs nous emmène juste devant. Nous décidons d'y aller mais, très vite dégoûtés par la foule de touriste, nous repartons.

Les petits sentiers nous mènent par de grands détours jusqu'à la baie après avoir traversé le Couesnon. Nous sommes enfin en Bretagne. Sur la plage nous installons notre tarp derrière une dune herbeuse. Un homme nous y aborde. Il nous parle de voyages et de jeunesse, puis s'en va. Nous entendons de la musique qui semble venir d'un phare qu'on aperçoit, illuminé dans la nuit. Nous y allons et retrouvons l'homme avec qui nous avions discuté. Le groupe qui passe sur scène nous plaît. C'est un petit festival au pied d'un phare, avec quelques stands de nourriture et une vingtaine de spectateurs. Une femme nous offre des crêpes. Nous repartons vers la plage où un groupe d'adultes semble intrigué par notre abri. Notre arrivée les fait partir. Il pleut.

Nous longeons la côte nord de la Bretagne. Les forêts sont partout. Nous nous arrêtons quelquefois pour laver nos vêtements et dormir sous le soleil. Arrivés à Morlaix, nous recherchons une rivière sans la trouver. Nous longeons le fleuve et les mouettes rient au-dessus de nos têtes. Rester dans une ville nous dérange de plus en plus rapidement, le silence des bois nous appelle aussitôt. Une fois nous restons deux jours au même endroit, en faisant cuire du riz aux œufs dans notre casserole.

Quelques jours plus tard, nous arrivons à Landerneau, petite ville près de Brest. Là nous attendons Nolly, censé nous retrouver sur le pont habité, au centre de la ville. Nous y attendrons plusieurs jour, dormant près d'un collège dans un bois étrange. Chaque midi nous attendons au pont, chaque soir nous montons une pente raide pour rejoindre notre forêt. Cette monotonie nous rend tristes, nous cervons d'envie de repartir sur les routes. Quelque fois, nous allons lire à la médiathèque. Je dévore "Le cri du peuple" de Tardi, une bande-dessinée incroyable. Un soir où la pluie commence à tremper notre bivouac, nous recevons un appel sur mon portable. Ismaël a décidé de nous rejoindre en train et de finir le voyage avec nous. Il vient d'être père, il a une petite fille d'un mois. Cet été, il avait travaillé à CARGLASS, répondant toute la journée aux appels des clients. Un jour il s'est levé, il a enlevé son casque audio, a pris des tickets restaurant et il est parti, parce qu'il refusait d'être aliéné plus longtemps. Il a quitté La Défense où il travaillait pour la forêt et l'air du voyage.

Un jour que Martin et moi lisons devant la médiathèque en attendant qu'il nous appelle dès son arrivée, nous apercevons une silhouette près de nos vélos. Isma est déjà là, sans prévenir. Nous parlons un peu, mangeons des sardines à la moutarde et nous nous en allons vers Brest. Nous nous perdons mais retrouvons notre chemin. Là-bas, nous visitons un peu,et nous dormons dans un parc gigantesque. Isma et Martin sont dans le même hamac. Ismaël me dit que sa fille lui manque dès que tombe la nuit.

Le lendemain nous nous nourrissons de pain et de camembert, puis Isma et moi allons acheter une tente pendant que Martin écrit. Nous revenons avec une tente 2", un sac et une canne à pêche. Les jours qui suivent nous déambulons sur le port de Brest. Puis nous décidons d'aller au sud de Brest, à Plougastel, une sorte de presqu'île faisant face à la grande ville. Là-bas nous nous installons le soir sur la plage. Nous déplions la tente et ramassons des huîtres et des brennigs. Je me prépare à faire un des meilleurs repas de ma vie en observant les mouettes chasser en plongeant dans la mer que le Soleil teinte de jaune et d'orange. Nous faisons cuire des chapatis (petites crêpes de farine, d'eau et de plantes) aux orties sur les braises pendant que les huîtres bouillent dans le feu. Certaines sont frites, d'autres bouillies, d'autre encore simplement ensevelies de braises. Rassasiés, nous mangeons quelques brennigs (ce que tu appellerais chapeau chinois) et des mûres. Je passe une mauvaise nuit dans la tente, ce qui me pousse à me lever tôt pour marcher sur la plage de galets. Ismaël et Martin s'en vont à la recherche de nourriture. Pendant ce temps, j'attends, et finis par m'endormir.

Quand ils reviennent, ils m'expliquent qu'ils se sont perdus et qu'ils ont croisé une vieille dame incroyable qui leur a proposé de déjeuner, ce qu'ils ont dpu refuser puisque je n'étais pas là et que j'attendais pour manger. On replie la tente et on marche. Quelques centaines de mètres plus tard, nous nous enfonçons dans la forêt qui borde la plage. Ismaël disparaît. Nous finissons par le retrouver sur une dalle de béton, au bord d'une falaise, surplombant la plage. Derrière la mer, à l'horizon, nous contemplons tout Brest. Nous décidons aussitôt d'installer la tente sur le béton, par-dessus un tapis de fougères. Nous faisons cuire des champignons à l'huile et des lentilles aux oignons. Le soir, le feu qui crépite devant Brest nous donne un spectacle enivrant. Nous regardons les étoiles en silence, puis nous nous endormons.

Dès le lever du jour, nous partons tous les trois chercher à manger. Nous nous perdons dans les ribines, petis chemins bretons traditionnellement utilisé pour fuir la police.  Après avoir pris deux poireaux et de l'ail dans un champ, nous passons devant la maison de Jojo, la vieille dame dont ils m'avaient parlé. Cette fois, je suis là, et elle nous fait entrer chez elle. Jojo donne à Ismaël qui a une cloque une feuille d'aloe verra qu'elle fait pousser, une plante incroyable dont le jus guérit les blessures. Puis elle nous propose de rester dîner. Nous discutons beaucoup, de notre voyage et de ses petits-enfants qui disent "pet-de-bouche" pour "rôt". Le mari de Jojo et météorologue, il est à ce moment-là à un festival de musique. Il a étudié le temps à travers le monde entier et Jojo, prof de maths, l'a souvent accompagné.

Elle habite une maison bretonne dans un petit village, et le petit jardin sert entièrement de potager. Elle me demande de la suivre dans la cuisine, où j'épluche les patates du dîner. Un sentiment de bonheur m'envahit en regardant par la fenêtre les légumes du potager. Je suis pleinement heureux d'être là. Puis Jojo se propose d'inviter Goulvenn, son voisin, qui revient de 10 jours de voyage en bâteau à voile. Nous l'attendons pendant que cuit le gratin au thon.

Durant nos discussions, Jojo me regarde parfois avec des yeux qui brillent, je pense qu'elle se pose des questions sur moi, comme si je dégageais quelque chose, ou que je lui rappelai quelqu'un.


Goulvenn arrive. C'est un jeune homme brun de 25 ans, au visage rond et expressif. Isma et lui parlent de bateau et de noeuds, je les entends depuis la cuisine avant de venir les rejoindre, ma tâche terminée. Un de nos rêves communs est de construire un bateau à voile de nos propres mains, et de former une communautés de gipsy-sailors (marins-gitans), sillonnant les flots tels les joyeux et libres pirates du XVIIIème siècle.

A un moment, Goul' pète et annonce : "En Bretagne, on dit que si tu pètes, c'est que t'es à l'aise et que tu te sens bien avec ceux qui t'entourent".
Après avoir dévoré le délicieux gratin, accompagné de mûres que nous avions récoltées, Léo entre. C'est une fille superbe, rousse, dont les yeux bleus pétillent. Léo est "l'amoureuse" de Goulvenn, comme tu dirais. Elle offre une écharpe à Jojo. On discute beaucoup, on raconte notre voyage. Léo nous dit qu'elle a rarement croisé des gens comme nous, avec un grand sourire aux lèvres où on peut lire de l'admiratioN. Jojo se tourne alors vers elle et dit :

"T'as vu, et ils sont tombés CHEZ MOI !"

Goul' va se coucher, mais Léo insiste pour rester. Finalement, elle se propose de nous raccompagner en voiture jusqu'à notre tente. Puis, arrivés devant chez eux, Goulvenn qui s'est relevé nous propose de rester dormir. Nous hésitons puis acceptons. Leur maison, voisine de celle de Jojo, est décorée de l'intérieur par les dessins de Léo. Des sardines se transformant en montgolfières peintes sur du bois flotté. Ismaël est heureux, Martin semble être complètement heureux et sourit sans cesse, ce qui est assez inhabituel. Nous nous installons autour de la petite table du salon et buvons quelques bières. Isma parle alors de psychologie, puis finit par dire globalement ce qu'il pense, à dire les idées qui nous rapprochent tous les trois. Goulvenn n'a rien à dire, Léo semble perdue dans ses pensées.  Ils montent dormir à l'étage, nous installons le lit double et un matelas. Nous sommes bouleversés par ces rencontres, nous parlons presque toute la nuit, nous rions pour rien en nous demandant si ça ne les réveille pas, joyeux dans cette petite maison bretonne, entourés de gens incroyables.

Le lendemain, nous mangeons des tartines à la confiture de fraises locales. Goul' et Léo veulent nous emmener au marché d'un village proche. Nous y allons en voiture, c'est un joli marché simple et chaleureux. Nous rentrons à Plougastel par de petites routes et croisons un abattoir de porcs.

Chez eux, nous installons une table sur des tréteaux dehors, tous mangent un poulet du marché. Goulvenn me déniche des oeufs.

Après le repas, ils nous accompagnent jusqu'à notre plage où nous les laissons après leur avoir promis d'envoyer des graines de tabac par lettre. Nous regagnons notre dalle et notre vu superbe. Le soir, j'essaye pour la première fois de ma vie de jouer de l'harmonica en observant Brest qui scintille et ses grues de chantier naval qui se détachent sur le ciel orange.

Au matin, nous levons le camp sous une chaleur désagréable et repartons. Nous regagnons Brest en fin d'après-midi et y laissons les vélos à la gare. Nous serons mieux à pieds. Après avoir déambulé dans le port sous la pluie, nous retournons au centre-ville où nous achetons des pizzas pour le soir. La nuit tombe vite et nous scrutons une carte pour trouver un petit coin de vert sur la vaste surface grise. Là un homme nous parle. Nous lui demandons où trouver une forêt, il nous répond de venir chez lui. Il s'appelle Christian et a un appartement à quelques mètres, dans les immeubles portuaires. Fils de marin, il a grandi à Brest, a été punk dans sa jeunesse et vit aujourd'hui de boulots d'intérim et de pêche. Il nous explique que Brest avait été détruire pendant la Seconde Guerre mondiale et qu'ils ont reconstruits sur les débris ces immeubles en préfabriqués mal isolés.
Son appartement est simple, il nous dit y passer peu de temps. Il y a de grandes planches de bois peint où sont découpées des formes (empreintes de pas, clown, feuilles...).

"Oui j'ai voulu représenter la lumière qui transcende...euh...Nan, j'déconne j'me prend pas au sérieux, je fais ça pour moi, pour le plaisir. Oui, installe ça ici, si tu veux tu as du jus de fruit là. Faites comme chez moi, hein".

Il joue aussi du violon dans des bars. Nous lui demandons de nous en jouer, il hésite, dit que ça va réveiller ses voisins. Mais il ne résiste pas longtemps, mets des pinces à linges pour atténuer les vibrations et nous joue un air joyeux et celtique avec un grand talent. [...]

[La suite en dessous].




mercredi 6 octobre 2010

Lettre à Salomé.

Je poste la fin de mon voyage, ou plutôt de ma lettre, en attendant de taper l'énorme début. Vous ne pourrez que vous demander comment nous en sommes arrivés là :)

[...]


...Nous le quittons tôt le matin lorsqu'il part pêcher.

   Nous marchons dans Brest et nous mangeons dans une boulangerie. Nous allons sur le port. Il pleut. Nous visitions un atelier d'artistes dans un entrepôt en attendant que la pluie passe puis nous remontons vers le centre-ville. Là nous trouvons une entrée de parking souterrain comme abri. Nous y jouons de la flûte et de l'harmonica et nous y dévorons nos baguettes au camembert et au fromage fondu.
 
   Un clochard passe devant nous avant de faire demi-tour et de venir s'asseoir avec nous. Il dit s'appeler Dany. Il parle peu, a des bagues à chaque doigt et a l'air d'être bien saoul. Il fait de grands sourires lorsque Isma joue de la tin wisthle, et son visage de grand-père usé par le froid de la rue se plisse de centaines de traits. C'est presque un clochard-céleste, à la recherche de musique, la considérant comme "simplement du bruit" mais la trouvant belle, et prenant Brest comme un "abri". Il nous quitte après nous avoir offert une clope et une fin de sachet de tabac à rouler. Le parking souterrain ferme et nous partons.

   Nous dormons à la fac UBO de Brest, sur un tapis d'écorce juste en-dessous d'un toit en béton. Le lendemain nous tentons de faire sécher nos fringues au soleil. Nous essayons d'appeler Christian mais il ne réponds pas. A midi nous repartons pour le port.

   Là nous prenons la navette pour la presqu'île de Crozon, et nous arrivons à Camaret-sur-Mer. De là nous partons à pied vers le sud de la presqu'île et arrivons rapidement à la plage de Veryac'h. Nous y dormons à un mètre du bord de la falaise, dans un creux rempli d'herbes qui semble être fait pour nous accueillir. Le lendemain matin nous nous levons pour contempler les étendues de fleur violettes et jaunes qui recouvrent Crozon. Les falaises sont belles au lever du Soleil. Nous descendons sur une plage et nous restons longtemps, faisant des ricochets sur les vagues et grimpant sur les rochers. Ensuite nous escaladons la falaise pour rejoindre le sentier.

   Sur le chemin nous nous perdons, et Isma et moi avons une longue discussion très agitée sur la direction à prendre. Nous nous calmons autour d'un repas à Crozon, et comprenons notre qui-proquo et nos erreurs. Nous partons pour Morgat et nous y dormons sur la plage où de jeunes imbéciles nous reprochant notre soi-disante "illégalité" sautent sur notre tente pendant la nuit. Le lendemain nous mangeons quelques restes et décidons de louer des kayaks. Il nous reste tout juste de quoi payer. Nous partons toute la journée à pagayer sur la mer autour des falaises de Crozon, en rentrant dans chaque grotte que nous croisons. Nous nous arrêtons sur une plage car nous avions cru apercevoir une planche de surf qui n'était en fait qu'un morceau de coque de bateau. Le retour vers Morgat devient difficile. Nous avons le ventre vide et aucune provision. Nos bras nous font mal et le courant, contre nous, nous immobilise dès que nous arrêtons de pagayer. En arrivant au port, exténués et affamés, à 20h, Isma sors des tickets restaurants qu'il avait volés à son travail chez Carglass (centre d'appel). Nous achetons 8 euros de sandwichs et beignets chacun, sauf Martin qui ne prend, dans un mauvais calcul, qu'un cheeseburger ridicule et quelques churros. Nous dévorons toutefois l'un des meilleurs repas de notre vie.Nous dormons sur un carré d'herbe entouré de maisons.

   Au matin nous marchons vers le Fret en repassant à Crozon, en enlevant parfois nos chaussures. Le soir nous arrivons dans une forêt de pins accueillante où nous trouvons un trou d'obus. Ismaël y installe un feu et nos affaires pendant que je fabrique un matelas d'herbe et installe les hamacs. Martin va repérer la ville du Fret. Ne la trouvant pas, il revient au camp, mais décide de repartir la chercher par un autre chemin. Il reviendra en stop. Nous faisons cuire des lentilles accompagnées d'oignons frits. Au matin, nous arrivons dans la ville où se déroule une grande brocante. J'y achète une pipe et nous attrapons la navette qui nous ramène à Brest. Nous allons à la gare.

   Martin et moi allons demander les invendus au marché et revenons avec un cageot rempli de melons, pêches, abricots et tomates. Isma va acheter les billets de train. Nous allons récupérer nos vélos mais nous avons perdu les clefs des antivols et devons les couper avec des pinces prêtées par la SNCF. Nous fabriquons un jeu d'échecs avec ce que nous trouvons et, à 18h, nous embarquons pour Paris. Nous avons le compartiment pour nous seuls et le camembert de nos sacs empeste dans cet espace trop confiné. Nous jouons aux échecs, écrivons, dessinons, parlons. Nous voyons toutes les villes traversées à vélo défiler trop vite. Le soir nous observons le plus beau coucher de Soleil que nous ayions vu de notre vie ; les nuages orangés et à l'allure chaotique entourent un rond de ciel bleu clair strillé de jaune.

   Nous arrivons le soir à la gare St-Lazare, avec la tristesse et la grisaille parisiennes que nous retrouvons sans enthousiasme. Aucun de nous trois n'arrive à parler. Dans le RER qui nous amène en Seine-et-Marne nous sommes toujours silencieux et mélancoliques. Faire à vélo les routes qui nous amènent de la gare jusque chez Martin nous achève.

   Ça y est, le béton remplace le ciel et le parquet le tapis d'herbes fraîches.
Notre tentative inconsciente d'oublier cette tristesse dans les films et le virtuel traduit notre envie de nous libérer encore.

La route et la forêt m'appellent...

vendredi 1 octobre 2010

Bucket List.

1) Vivre dans plusieurs forêts de manière sauvage.


2) Naviguer en bateau construit par nous-mêmes et fabriquer une pirogue.

3) Savoir jouer de l'harmonica

4) Savoir me battre et me défendre avec une synthèse d'arts martiaux et d'autres techniques

5) Voir un nouvel horizon chaque jour pendant plusieurs années.

6) Savoir vivre en primitif, connaitre les plantes, l'artisanat, les abris, les techniques de feu.

7) Bouleverser quelqu'un avec un dessin

8) Visiter l'Amazonie et vivre avec un des peuples primitifs amazoniens

9) Écrire un livre

10) Fabriquer un couteau, un silex taillé, une pipe en bois, de la ficelle d'ortie, un arc, des flèches, un bokken, un bâton d'aïkido.

11) Traverser l'Amérique du Nord en vagabond (Québec, Canada, Alaska et USA).

12) Vivre avec les Mlabri

13) Savoir tatouer de manière moderne et primitive

14) Construire une putain de cabane dans un arbre

15) Voyager au Japon et escalader le Mont Fuji

mercredi 29 septembre 2010

Guerrier.

 Epica - Pirates (faire maj+clique droit)

C'est fini.
Finis les pleurs et le désespoir.
Fini surtout de laisser faire. Fini de faire les choses à moitié.
Fini de faire comme si tout ça n'était qu'un jeu.
Jamais fini d'hésiter, jamais fini de se remettre en question, mais cette fois j'avance.
Ca ne m'avait pas paru évident quand la police est allée me chercher, ça ne m'a toujours pas paru évident quand mes parents veulent que j'attende.
Aujourd'hui, tout ça, c'est fini.
Aujourd'hui, ça y est, je ne fuis plus, j'avance, et mon ancienne vie est derrière moi.
Aujourd'hui je fais ce que j'ai à faire, et chaque obstacle n'est pas à prévoir ou à tenter d'éviter mais à combattre s'il se présente.

Aujourd'hui je suis plein d'énergie et de courage. Aujourd'hui il y a des individus à qui je dois prouver certaines choses. Aujourd'hui je n'attends plus quand il n'y a rien à attendre.
Aujourd'hui c'est la dernière fois que consciemment je manque de couilles. La dernière fois que je m'aveugle en ayant peur. La dernière fois que je joue au zombie. La dernière fois aussi que je fais semblant, la dernière fois que j'ai conscience d'être mal mais que je ne fais rien pour le changer.
Aujourd'hui,je suis un guerrier.

dimanche 19 septembre 2010

Photos

Je mets quelques photos de mes voyages,  en attendant de retranscrire ma lettre ici.


Moi jouant de l'harmonica.








 

Chez Christian.

En face de Brest.

Jeu d'échec dans le train.






























       Sur la presqu'île de Crozon.                                                                  

lundi 6 septembre 2010

Colère mélancolique

Hit the road Jack - Ray Charles

Thomas, près de moi, parle avec un ami de son départ.
Il dit à propos de ses parents : "Je ne vais pas souffrir pour qu'eux aient un semblant de sécurité."

Je pense pareil. Si je sais qu'ils souffrent, je sais aussi que je n'y peux rien, et ce sentiment d'impuissance me fait mal. La souffrance d'un autre, quel qu'il soit, ne m'a jamais laissé indifférent, et c'est peut-être même pour cette raison que j'en suis venu à penser ce que je pense. Rentrer et aller dans les locaux trop propres des Gobelins n'est absolument pas une solution, et quiconque le prétend s'imagine qu'être enfermé à travailler contre sa volonté ne provoque que peu de souffrance. Puisque j'ai décidé que je ne m'y enfermerais pas seul, je m'oppose à quiconque veut le faire à ma place.

Si je veux partir sur les routes, c'est par recherche d'une vie pleine d'aventures et de liberté. Mon trop-plein d'énergie vitale déborde, et il n'est pas question de le laisser se morfondre dans les sombres substituts de cette civilisation, jeux vidéo ou films à s'en faire exploser les globes oculaires.
On me dit que je ne suis pas raisonnable, responsable. Et bien, non. Effectivement.
Admettre que la vie puisse être basée sur la raison, c'est détruire toute possibilité de vie.

Je veux devenir un wanderer, le voyageur, l'errant libre de toutes entraves. Je veux vivre en riant, marcher en dansant, mépriser le lendemain. Grimper dans les arbres, courir sur les routes délaissées, danser en haut d'une montagne, me baigner dans un ruisseau clair, dormir au fond d'une vallée. Certes, je ne serai pas capable de vivre en autarcie complète, pas encore. Je ne serai pas un primitif ou un sauvage, du simple fait que je serai souvent seul. Je me souviens d'Ismael dansant en riant sur les routes du sud de Brest, de nous délirant en se foutant de la direction, et cette pensée me réjouit.

Je veux parcourir la Terre, savoir vivre partout, marcher pieds nus sur le sable d'une plage où mon bivouac installé m'attendra pour la nuit.
Je ne peux pas rester chez moi à apprendre entouré de livres et de manuels pour la vie sauvage. Je veux vivre, voyager léger, rencontrer des gens et visiter les éco-villages ou les lieux en autarcie, apprendre de ces gens et de leur savoir, connaître, comprendre. Me découvrir moi-même, discuter seul, même si je commence entouré. Sur la route, on est souvent seul, même si d'autres vagabonds sont de l'autre côté du chemin.

J'aimerais que chacun s'éloigne de la pyramide qu'est ce monde, mais je suis trop amoureux de la liberté, de l'individu, pour imaginer imposer cela à quiconque. Tout ce que je peux faire, c'est devenir ce que je souhaite, prouver à tous et surtout aux jeunes que je connais qu'on peut réaliser ses rêves, que travaille consomme crève n'amènera jamais le moindre confort mental réel, que l'on peut refuser de vivre sur des milliers de morts, parler de ce que je pense et que j'ai fait. Voilà ce que je peux et vais faire.

Et pendant que j'écrivais ce texte, la police est allée chercher Thomas. Repéré, traqué. Au poste.

Quoi qu'il en soit, la police de cet Etat ne me fait pas peur. J'ignore les lois et n'en tient aucun compte.


Hit the road, Jack, and don't you come back no more...

mardi 31 août 2010

WORK AWAY.

Alors voilà.
Ce site internet : http://www.workaway.info est certainement et sans aucun doute le plus énorme de tous les sites webs que j'aie pu voir jusqu'à présent. Tout simplement parce que gratuitement, vous pouvez grâce à cette communauté virtuelle et réelle, partir élever des vaches en Mongolie ou construire un bateau en Norvège, ou cultiver des champs de patates en Ardèche...Ce sont de réels exemples que j'ai pu trouver sur les milliers de possibilités.

Le principe est simple : vous travaillez, on vous héberge, on vous nourrit.
Le but n'est pas pour l'hôte d'avoir de la main d'oeuvre sans payer, il n'y a aucun objectif de rentabilité. Le but est de permettre d'apprendre et de découvrir, de rencontrer, pour l'hôte comme pour le workaway-eur.

Allez voir. Quiconque a Internet n'aura plus jamais la moindre excuse de ne pas réaliser ses rêves à mes yeux.

Et si vous préférez un site réservé à ce qui concerne les animaux, les plantes, la nature sauvage, il y a le WWOOF. Le site français : http://www.wwoof.fr/

mardi 17 août 2010

Regard froid et vertes fougères.

J'ai les yeux pleins de larmes et un hurlement fait vibrer ma gorge.
Je suis à la lisière de la forêt, lance à la main. J'ai des plumes dressées sur mon crâne et des traces de peinture sur les joues.
J'observe les lourds tracteurs qui se meuvent dans la plaine en face de moi, écrasant les fougères et décimant les mulots.
Le soir noie les bois dans son brouillard sombre. Mes frères sont autour d'un feu, à l'abri des arbres, et observent les monstres depuis leur camp.
Je pousse un nouveau cri, un cri de douleur et de haine, un cri de souffrance et d'amour. Je bondis en direction des machines hurlantes, des cheminées de gaz, des barbelés et du béton qui recouvre tout.

Je sens la mousse fraîche contre ma peau. Un filet rouge vient de la teinter d'un éclat terrible, brillant dans le clair de lune. J'ai mal, mais la douleur commence à fuir. Je m'engourdis. Mes muscles se relâchent. J'ai du mal à aspirer l'air doux de la Nature sauvage. L'odeur de l'humus et de l'écorce s'effacent. Ce soir, je meure entre deux troncs, parce que j'ai tenté d'attaquer la Civilisation.

Retour.

Je suis rentré. J'écrirais le récit de mon voyage plus tard, peut-être que je diffuserais une lettre.
Rien à dire sinon, hormis que la fraternité humaine déborde, que la vie sauvage est belle et les villes immondes.

NOUS SERONS SAUVAGES.
VOUS RESTEREZ DOMESTIQUÉS. 

vendredi 9 juillet 2010

Vagabondages.

Je pars. Je pars pendant un mois sur les routes du Nord et de Bretagne.
Je vous dis Adieu, car je ne reviens pas, ou alors, bien différent.

Je pars voir si le Monde brille encore d'espoir.
Et s'ils reste des étincelles dans le coeur des jeunes épris de voyages et de liberté.

Des étincelles capable de mettre le feu à toutes vos valeurs et à toutes vos idées.

Bonne route.

And in case I don't see ya: Good afternoon, good evening, and good night !

mardi 6 juillet 2010

Vagabond.

http://www.lerecoursauxforets.org/article.php3?id_article=40

Je n'ai pratiquement jamais lu quelque chose d'aussi incroyable.
Lisez les commentaires à la suite de ce texte.

dimanche 4 juillet 2010

Liberté.

Je veux marcher, courbé sous le soleil d'Enfer de l'Ardèche en plein été. Je veux entendre le chant des cigales pendant que ma peau chauffe sous le ciel sans tache. Je veux dévaler des sentiers rocailleux au milieu des pins, sentir l'odeur des pêches et des abricots sur les marchés, m'arrêter en haut d'une falaise et contempler la rivière en contrebas. Je veux plonger du haut d'un rocher, mon vélo posé sur les pierres plates et mon sac accroché en haut d'un arbre surplombant l'eau.

Je veux courir sur les plages de Bretagne, avec les cris des mouettes résonnant à mes oreilles. Je veux parcourir les abords de la mer et sentir le vent siffler à mes oreilles. Je veux observer les bateaux de pêche, marcher dans les ruines d'une vieille tour, m'allonger au pied d'un menhir posé au hasard d'une plaine de rocailles. Je veux faire cuire ma nourriture sur un feu crépitant, perdu au milieu de la forêt de Brocéliande.

Je veux vagabonder parmi les fleurs de Normandie, voir les cargos quitter le Havre assis sur une plage à l'embouchure de la Seine. Je veux marcher aux côtés des vaches et des prés. Je veux sauter par dessus de vieux barbelés et somnoler sur une plage immense et vide.

Je ne veux pas m'endormir sur un siège de métro parisien. Je ne veux pas écouter la voix sortant des hauts-parleurs du RER, la dernière publicité du gouvernement français vantant la réforme des retraites. Je ne veux pas marcher dans les rayons d'un supermarché. Je ne veux pas m'enfermer tout seul dans les tristes locaux gris d'une école professionelle alors que je fuyais justement l'Education Nationale.  

Nous sommes réellement dans un État totalitaire qui vante ses propres lois sur des radios publiques. Qui enferme des jeunes sans preuves. Qui tue et surtout, empêche de vivre.
Je ne veux pas être ici. Même si cet État règne aussi partout ailleurs, ici, j'ai peur.

Je voudrais courir sur les plages de galets d'Ardèche mais je la sens s'éloigner de moi, à la façon d'un mirage qui reste toujours aussi inaccessible malgré les efforts. Je voudrais pédaler sur les routes de Bretagne mais elles ressemblent déjà aux tristes routes de la banlieue parisienne urbanisée. Je voudrais marcher sur les chemins de Normandie mais les HLMs les bordent déjà.

En réalité, je l'avoue ; réussir à me libérer de ce Monde ne me suffit pas.
Je le dis, nous sommes foutus, nous ne nous libérerons pas. Nous ne serons jamais libres.
Nous sommes comme ces animaux nés en zoos, des ombres de singes et de fauves. Avant même de naître, ils sont morts. Ce ne sont que des copies pâles d'animaux, atrophiés, mutilés. N'ayant jamais connu la liberté, ils ne fuient pas même si l'on ouvre la porte de la cage : la peur insurmontable d'une liberté inconnue.
La peur.
Nous nous battrons pour les humains qui suivront. Nous essayerons d'être libres, mais nous serons à jamais désespérés car nous savons déjà que nous ne le serons pas...
Nous ne serons pas libres, soit. Mais nous ne nous contenterons pas de votre Monde, et nous ne l'accepterons pas.

SMOKING KILLS.
SMOKING KILLS.
SMOKING KILLS and so does Mr. President.

mercredi 30 juin 2010

We feed the rich.

Aujourd'hui j'ai pleuré.
J'ai vu parler dans un film-documentaire un meurtrier comme jamais l'humanité n'en aurait conu il y a cent ans, un meurtrier légal, comme il y en a toujours eu. Un meurtrier qui est à la fois un donneur de millions de morts, et un symbole de réussite sociale.
Un PDG.
Ou comment se faire passer pour un libéral quand on n'est qu'une machine de mort dont chaque mot dégoulinant de ce qui lui sers de bouche pue tel le charnier que laisse l'industrie qu'il gère dans les pays qu'il a investit.
Peter Brabeck.
Lucide, pourtant. Fier défenseur du développement des pays pauvres, bien entendu.

Nestlé, comme il dit, a bien plus aidé les pays pauvres que ne le feront jamais les dons inutiles des ONG aux idées extrêmes : vous rendez-vous compte, ces ONG défendent l'idée extrême de l'accès à l'eau pour tous !
Putains de gauchistes.

Je ne défends pas ces ONG. Moi non plus.
Donner de l'argent et de la bouffe n'a jamais rien changé et ne changera jamais rien.
Ce sont les idées qu'il nous faut attaquer, les idées qui semblent découler des cours de Sciences Po et de l'ENA. La logique libérale qui, je l'imagine parfaitement, fait qu'un homme sortant de ces écoles avec le moindre rêve est perçu comme un réactionnaire par les autres dirigeants, un ennemi du Progrès.

Créons des richesses ! Libre échange !

Créer des richesses...
Aujourd'hui l'agriculture mondiale peut nourrir sans aucun problème 12 milliards d'humains. Je ne vais certainement pas me lancer dans ce genre de statistiques adulées par les altermondialistes qui demandent à l'Etat d'empêcher les méchants Capitalistes aux chapeaux haut-de-forme d'exploiter la planète : revenons à une exploitation modérée ! Une faim moins criante ! Un peu plus d'eau ! Ou alors moins de films-spectacles !
Laissez-nous un Monde dans lequel nous, étudiants, pourrions diriger sans trop de mauvaise conscience !
Nous râlons, nous sommes bougons, c'est un peu dommage de devoir se tuer pour diriger. Enfin, passé la crise, nous le ferons quand même.

Il n'empêche que nous produisons le double de nourriture nécessaire à l'alimentation de la totalité des êtres humains, c'est un fait.
Et ils voudraient créer des richesses. But affabulateur, Profit vainqueur, nous n'accepterons jamais une telle chose.

 Le libre échange est un formidable mensonge qui me ferait rire s'il n'accaparait déjà pas mes larmes de rage.
Quel liberté, quelle justice y'a-t-il dans un échange entre Coca-Cola et un syndicat colombien ?

Quelle justice y'a-t-il quand le blé de l'Europe provient en majorité de l'Inde alors qu'une petite moitié de la population indienne souffre de la faim ?

Votre société si parfaite, qui se veut accessible, qui se veut incroyablement confortable, n'est qu'un ramassis de monstruosités que l'on peut gouverner, si tant est que l'on est un cynique ou un rampant.

C'est parce que les privilégiés, les libéralistes, n'ont pas compris le lien direct de leur jouissance et de la souffrance des peuples, que lorsque dans une grande propriété des Seychelles, une bande de jeunes garçons excités égorgera à la machette un bel homme bronzé aux UVs et aux dents brillantes, il se trouvera toute une fange de gens dans l'incompréhension la plus totale, devant l'assassinat de cet homme si bon, si doux, qui donnait quelques dizaines d'euros aux habitants des bidons-villes de Haïti chaque mois.
Car il se trouvera un jour où, fatigués d'osciller entre les discours mortifères des dirigeants cyniques et les textes désespérés d'intellectuels occidentaux impuissants à faire la moindre chose, les opprimés du monde entier soulèveront leurs corps élimés par des vies de manque et s'en iront sortir les fourches et les clefs à molette, en les saisissant d'une façon singulièrement différente de d'habitude.

mardi 15 juin 2010

Sanction et discipline.

A la mode Anaryax, je mets mon bulletin scolaire, parce qu'après m'avoir désespéré, au final, en y réfléchissant, il me plaît bien.
BULLETIN DU TROISIÈME TRIMESTRE.

FRANCAIS : 9,2. Des résultats qui, encore une fois, ne signifient rien dans la mesure où ***** refuse de traiter un devoir et bâcle les autres.

Oui, je refuse toujours de répondre à ses interrogations de lecture, parce que je refuse de lire ses livres imposés. J'en ai lu quelques uns quand ils m'intéressaient et j'ai répondu à certains contrôles pour que l'insoumission ne m'empêche pas d'aller en bac pro, mais sans plus. Oui, je bâcle, je suis paresseux face à l'inutile.

HISTOIRE GÉOGRAPHIE : 3,0. DES DIFFICULTÉS ET DES PROBLÈMES IMPORTANTS. ECJS:E!....EN CONFLIT TOTAL AVEC L'ECJS.

Je vous retranscris exactement le commentaire. Non, moi non plus je ne comprends pas le "ECJS:E!...."au milieu. Il faut dire qu'on lui en a fait baver, ce prof étant un fou (ou justement un prof qui vit son époque ?) castrateur avéré et assumé, monarchiste, antisémite et adepte de la théorie du complot franc-maçonnique et israélite (sans rire...). Après l'agression par un pote dans sa salle, les avions, les dessins sous son nez au tableau, les gens qui se lèvent pour éteindre la télévision quand il l'allume et les concours de pompes sur son estrade, je comprends qu'il m'en veuille un peu...Surtout quand je m'oppose à sa vision ignoble du monde, une vision exactement à l'inverse de ce que j'aime.
Je vous offre quelques perles : "Si vos parents ne vous ont pas puni et battu, ils ont eu terriblement tort" dit sur un ton énervé qui ne laissait aucune place à l'humour.
"Votre scolarité est finie, je mets un mot dans votre dossier et votre carnet ouvrier, et vous n'aurez plus aucun emploi ni études."
"Les pauvres, on leur donne, comme moi. On me donne. Je reste humble face aux puissants. Entre pauvres, on se comprend, hein ?"
"Oui, ce sont des riches. Oh là ! Non, je ne vous conseille pas de faire la moindre remarque sur lui si vous alliez à un de ses diners, ou alors ne prenez pas la voiture ensuite. Des accidents sont vite arrivés, hé hé hé...Hum."
"Les bourgeois payent pour ne pas aller à la guerre, et les pauvres y vont pour piller. Tout le monde est content."
"Les noirs, en Amérique, descendent des montagnes."
"Le problème, dans ce système, c'est les juifs."
"Non, le régime de Louis XIV n'est pas totalitaire. C'est un régime sé-rieux."
Non, il ne s'agit pas de blagues, malheureusement.

ANGLAIS : 14,2. C'est bien, sans que ***** ait fait son maximum : capable de très bien réussir dans la matière, une réelle finesse littéraire.

C'est quoi, "réussir", à la fin ? Avoir des notes supérieures à 15 ? Je ne pense pas qu'elle parle de faire un métier de traducteur ou des études anglophones, alors c'est quoi "réussir" ? Réussir quoi, merde ? Réussir à bien faire tous ses exercices ?

ALLEMAND : 7,8. Résultats insuffisants. ***** semble s'être désintéressé de l'allemand ce trimestre. Le travail fut moins sérieux et l'attitude très passive.

Cool. De toute façon j'arrête l'année prochaine, pas par choix. Et la seule raison qui m'aurait fait travailler l'allemand aurait été de parler cette langue pour faciliter des voyages en Allemagne. Vu que de toute façon je ne le parlerais pas, à quoi bon ?

LATIN : 12,0. Peu d'investissement en latin. ***** est un élève avec de fortes capacités qui doit réussir s'il le décide !

Ca m'a fait rire. Elle a cette espèce de moue de dépit de l'ancienne adolescente consciente, qui a eu des rêves mais s'est résignée...du moins, c'est comme ça que je l'interprète, quand je dit une chose ou une autre qui ne va pas avec ses idées purement scolaires et méritocrates de gauchiste.
Cette prof nous a donné la "clef du bonheur" le dernier cours de l'année.
En gros, "même si avoir un travail qui nous plaît et un gros salaire ça aide, c'est sûr, et c'est aussi pour ça qu'il faut travailler", la clef du bonheur c'est "quand on veut quelque chose, on doit tout faire, absolument tout, pour y arriver".
Là dessus je suis d'accord, même si je sais que cette prof n'y mettra pas le même sens. Nous ferons tout, absolument tout, pour ne pas reproduire vos conneries, et pour être libres, envers et contre tout.
Cette prof voudrait que je décide de travailler pour réussir mes études. Haha. Hahaha.
Et d'ailleurs, je "n'investirais" mon temps nulle part dans vos actions scolaires, le cours de l'Ecole va se casser la gueule.

MATHEMATIQUES : 11,1. Résultats convenables, sans plus. Des capacités non exploitées !

Rien à foutre. Exploiter pour quoi faire ?


PHYSIQUE-CHIMIE : 11,9. De moins en moins d'investissement dans la matière. Résultats en nette baisse.


Cool aussi. Savoir mélanger C2H4 et O2 ne m'intéresse pas. Si encore on étudiait un mélange explosif...

SCIENCES VIE & TERRE : 13,0. Des résultats écrits satisfaisants.

Si ça vous satisfait, alors c'est bien, soyez satisfaite. Moi je ne le suis pas, j'aurais aimé approfondir les OGM au lieu de travailler les planètes et les couches spaciales.

ED. PHYSIQUE & SPORT : 13,0. Ensemble satisfaisant.

Tu parles. J'ai rien foutu et ma note a baissé de 4 points.

APPRECIATION GLOBALE : Des résultats tout à fait convenables dans nombre de disciplines mais ***** refuse le cadre scolaire.

Oui. Exactement.

jeudi 10 juin 2010

L'école est finie.

L'école est finie. Crève salope ! de Jules Celma.

Une putain de vidéo. Rien à redire. J'écrirais peut-être dessus, mais là ça résume beaucoup.
Gare à vous, éducastreurs, ce n'est pas la fin...

mardi 8 juin 2010

Fuite ou courage.

Il est 16h. Je dois aller voir une dame à Paris pour savoir si je suis précoce de la tête ou non.
Je n'ai pas envie d'y aller. Moi j'ai pas envie de savoir si je suis ça ou ça. Moi je suis Soja. Je ne sais pas très bien qui je suis, mais si je suis sûr d'une chose, c'est que ce n'est pas cette dame qui m'apprendra la moindre chose. Par contre, si je pars à la rencontre de moi-même sur la route, ça pourra me servir.

Soit. Je me prends au mot. En 30 minutes j'ai décidé de partir, je me suis préparé et je suis parti.
Après quelques prises de bec au téléphone, je me calme, je vais dans une forêt et je souris : le soleil fait briller les herbes folles.

"Tu fuis ! Tu ne veux même pas aller voir ! Des fois il va falloir que tu affrontes la réalité ! Tu n'as aucun courage !" Chut. Silence.

Je me balade, je dors derrière une résidence pavillonaire. Je cherche le chemin qui me mènera à la forêt, que j'aperçois derrière les pavillons de crépis alignés. Je m'installe.J'appelle Anaryax parce que je ne me rappelle plus comment nouer les ficelles du hamac. Puis le silence de la nature me rappelle. Par moment, quand même, j'entends les cris des enfants qui dînent. Ces mêmes enfants dont j'ai croisé les cabanes, un peu partout dans la forêt. Malheureusement trop petites pour me servir d'abri.

Le lendemain je traverse un champ de coquelicot en face d'un chantier naval, j'en prends des photos. Ensuite je m'arrête aux bords de Seine pour écrire un peu.
Je trace.
Puis à Conflans-Ste-Honorine je longe tout le quai pour voir les péniches. Je passe devant un gros bonhomme presque nu, affalé sur une vieille chaise en face de sa péniche et en caleçon bleu. Je le salue. Je m'arrêt devant une vieille péniche apparemment désaffectée et j'hésite à aller la visiter. J'y renonce finalement, par peur de déranger si elle était habitée et parce que la barrière qui en barre l'entrée est imposante.
Je me dis qu'on devrait squatter une péniche, vu la taille et la possibilité de bouger.

Au bout d'une matinée de route, je manque d'eau. Ca fait 5 minutes que je tente de trouver le Leclerc que j'avais vu signalé. Je le trouve - merde. C'est un Leclerc DRIVE.
"Il doit bien y avoir un putain de supermarché, ici !"

J'arrête pas de passer devant un énorme cinéma PATHE, complètement gris et incroyablement grand. Au bout de 20 minutes durant lesquelles j'ai parcouru touute la zone industrielle (et un peu commerciale) derrière,  je me décide à aller voir Robin Hood. Le caissier, un jeune, me fait payer un billet -16, "oh allez on va pas chipoter..."
Puis il me regarde et demande : "Sauf si...C'est une casquette de l'OM que tu as ?"
"Euh...Non."
"Bon, alors ça va."
Il faut dire que je porte une vieille casquette avec un sigle "NY" repeint et raturé.
Dans le cinéma il y a des distributeurs à pop-corn, des néons partout et même une salle de jeux vidéos. Génial. Je me dépèche d'aller remplir mes bouteilles d'eau et je vais m'installer dans la salle.
Le film me donne envie de gueuler ce qui me plaît pas dedans, de dire que c'est un pauvre réformiste et que je soutiens les enfants des bois. Mais bon, ça sert à rien, c'est juste des images en provenance d'Hollywood. J'ai mieux à faire. Je sors.

Arrivé à Pontoise, je m'arrête pour acheter de quoi bouffer. J'en profite pour visiter le centre-ville, c'est plein de places vides et de petites rues presque moyen-âgeuses. Ca me donne envie de visiter plus loin, mais il faut que je trouve une forêt avant la nuit.

Je sors de la ville en direction de la campagne, et je croise des fermes absurdes à quelques minutes de vélo du centre-ville urbanisé. Il y a même une Porsche arrêtée devant l'une d'elle. Je crache dessus. Ca défoule quand on est fatigué.

Je trouve un champ en friche, j'y entre immédiatement. Je m'y allonge. Je suis entouré d'herbes hautes, loin de leurs merdes...Tiens, qu'est-ce qui passe là-haut ? Un avion. Une longue traînée de pétrole consumé déchire le ciel. Tout mon bonheur s'écroule. Qu'est-ce que je croyais ? Le truc c'est pas essayer d'échapper, c'est de lutter contre. Même ici, leur merde me rattrape.
Je me relève. Un bruit d'herbes qu'on piétine furieusement derrière moi. Une biche jaillit des herbes hautes et s'enfuit par grands bonds dans le pré. Sa silhouette se découpe sur le ciel où le Soleil commence à se coucher. C'est beau. J'ai l'impression de vivre la scène dans le film "Into The Wild", quand Alex regarde des cerfs avec des larmes aux yeux. Putain j'ai bien fait de faire ça.
Je vis chaque moment.

Je monte une colline entourée de champs à perte de vue. Au fur et à mesure que je pédale je vois se dévoiler une immonde tour HLM, du genre toute grise et très vieille, dressée au milieu de nulle part. Sans rien ni personne autour. Tellement grise que je crois un moment qu'elle est abandonnée.
Là je croise un vieil homme qui promène son chien. Il me demande si je prends des photos, on parle un peu. Quand je prends mon vélo pour chercher le coin qui m'abritera, il me croise une seconde fois et découvre que je suis un "randonneur". "C'est toujours mieux que de faire des conneries, hein" me lance-t-il avec des yeux tristes.

 Je repars encore, je longe un espèce de camp militaire (ou une prison, je sais pas...de toute façon, ça revient au même) avec no man's land, caméras, barbelés et murs grillagé de 15 mètres. C'est terrifiant, y'a pas la moindre humanité, pas la plus petite silhouette humaine. J'accélère.

En face de moi s'étale en lettres énormes "CENTRE COMMERCIAL E.LECLERC".
J'y vais me ravitailler, c'est tellement grand que je devine à peine les gens de l'autre bout du rayon !

Je préfère la forêt, je me dépèche de quitter ces enseignes clignotantes.

Je trouve un petit bois en pente, j'accroche avec difficulté mon hamac sur les troncs trop lisses. Je fais un feu et j'y fais chauffer une conserve de raviolis. J'écoute des jeunes du coins passer en parlant de filles, les cris des enfants qui jouent dans les jardins familiaux pas loin, les bruits des mobs, les hululements, le silence enfin.

Il ne manque qu'un présence avec qui le partager, ce bonheur qui m'envahit. Les potes, un amour, ou au moins quelqu'un.

Je dors. Il fait chaud. Dans les arbres, un trou dans le feuillage a la forme d'un visage.

Le lendemain, je me lève avec des boutons pleins le corps. J'aurais pas dû dormir en t-shirt.

Quelques gouttes.
J'entends un énorme craquement tout proche de moi ; c'est l'orage. Merde. Je me dépèche de ranger, et quand je sors du bois, je me prends une douche phénoménale. Waouh, ça refroidit sacrément l'enthousiasme, le bien-être, tout ça. Après avoir pataugé dans la boue du chemin forestier, je sors de la campagne, je rejoins Pontoise. Pontoise grise et vide sous la pluie battante. Je suis tellement mouillé que je ne sens plus le froid. Je pédale.

Je croise une Merco dans une rue froide, je tente d'arracher son sigle, en vain. Je découvre que c'est flexible et que le support peut pivoter. Ca sera plus dur que je ne le pensais de m'en faire un pendentif.

Je pédale une heure sur une départementale parcourue par des centaines de voitures. Il pleut, je galère, c'est dur. Je me perds souvent, je me rends compte à plusieurs reprises que j'ai fait demi-tour, plusieurs bagnoles me frôlent. Déjà qu'en voiture c'est laid, en vélo c'est vraiment ignoble, surtout quand la pluie se déchaîne.

Je sens la crise de nerfs arriver. Je commence à chanter ce qui me passe par la tête. Le punk ou la oi!, c'est vraiment pas facile à chanter seul et sans musique. Tant pis, je vais chanter du Léo Ferré.

Les "Putain ça fait CHIER" lancés aux conducteurs aveugles se transforment en "ILS SONT PAS UN SUR CENT, ET POURTANT..."
Je n'arrête pas de voir des publicités pour restaurant, établissements de massages, parcs, zoos ou sex-shops.
Jamais de panneaux de villes.
"Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre de la Cité de l'Auto, bordel ?!"
Après avoir fait le tour d'une zone industrielle et croisé deux skins, je retrouve mon chemin. Ou plutôt ma route.

Sur un marché j'achète deux pommes et j'en profite pour discuter avec la vendeuse. Elle a l'air déçue de savoir que je ne viens pas de très loin. Elle m'aide à ranger les pommes dans mes sacoches, puis encore un "au revoir, bonne journée", j'enfourche mon compagnon d'route et je repars.

Je suis seul et de nouveau sur une nationale. Il bruine, et je suis crevé. L'énervement est parti, la mélancolie arrive. Je vais devoir rentrer, malgré la terrible envie de rester là, à pédaler, toujours le regard sur l'horizon d'en face, et d'écrire ça dans un quelconque cybercafé.

Je croise un type trop grand pour son mini-vélo, qui roule à contresens sur une départementale bondée avec un sweat gris sur lequel il a graffé des mots en grandes lettres. Je déchiffre "BALANCE" et "ZA".
Il débite en gueulant des textes de rap avec une grosse voix et me regarde derrière ses lunettes de soleil et son bob en cuir.
Pendant un temps je l'observe s'éloigner et je passe en revue ce que j'ai bien pu manger ses derniers temps pour voir des choses pareilles. Mais non, il a l'air bien réel. Je continue.

En longeant une forêt je vois beaucoup de sacs plastiques et mon regard s'assombrit, comme d'habitude. Je dépasse les premières voitures arrêtées sans vraiment les regarder, je m'enferme plus profondément dans mon armure et mon visage devient un masque de détermination triste. Les premières prostituées, presque toujours en mini-jupe et à la peau mate, me voient passer. J'ai le temps de deviner l'une d'entre elles en pleine action. J'ai la nausée.
C'est fait sans aucune gène, les gens s'arrêtent et tirent leur coup. Je pourrais relever les numéros d'immatriculation des "clients". Peut-être un Ministre ou quelqu'un d'important, qui sait ? En R5, ça m'étonnerait, m'enfin tout est possible.

Sous un pont il y a dix caravanes arrêtées. Des enfants et des adultes déambulent autour. Ils sont pratiquement en haillons.C'en est à se demander, sinon à quelle époque, du moins dans quel pays on est.
Liberté, égalité, fraternité. Ils se foutront encore longtemps de notre gueule ?

Toujours plus loin, je croise un poteau sur lequel sont accrochées plusieurs directions.
Le panneau le plus en haut indique "<--- Mac Donald's"
Le panneau d'en dessous indique : "Mac Donald's --->"
Quelle merde...

Ca y est, je me décide à rentrer. En attendant de ne plus avoir à le faire.

"Bon, on a vu que tu avais du courage. Si, si, aller comme ça, seul, en forêt pendant 3 jours...On sait pas si on aurait osé, nous..."
Oui. Ca vous fascine, ça. La liberté et l'absence de recherche de sécurité.

samedi 29 mai 2010

Crise des automates.

"C'est normal ce que tu traverses, c'est à cause de la crise d'adolescence".
"Tu peux pas encore comprendre, mais tu comprendras un jour".
"Tu sais bien qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie, alors autant que tu apprennes tout de suite. L'école est là pour là aussi, pour t'apprendre à faire des efforts, à travailler."

"Aaaaaaaaaaaaaaaaaaah."

Crevez, mouches à merdes. Je vous encule, et évidemment, enculer les mouches ne sert à rien. Je vais quand même vous conter l'histoire de notre Monde.

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      Il était une fois une gigantesque Usine, un bâtiment phénoménal où se trouvaient des milliers de tapis roulants. Cette Usine produisait des automates.
Ils partaient d'endroits très variés de l'usine mais arrivaient tous dans la même Montagne.
Cette Montagne, c'était une Montagne de détritus où chaque automate, transporté par le tapis, allait s'écraser.

 "NON ! NON ! NON ! PUTAIN, NON !"

Un grand cri résonnait parfois dans l'immensité de l'Usine. Comme un automate qui pétait les plombs, d'un coup, sans prévenir. Qui levait les deux bras, les agitait dans tous les sens et hurlait :
"Mais merde, vous voyez pas où nous emmènent ces tapis roulants ?"
Ce genre de réactions devenait fréquent, dans l'Usine. Les autres automates le regardaient alors sans comprendre, avant de reporter leur attention sur la direction de leur tapis roulant...


Cependant, certains prenaient un marteau, essayaient de frapper le tapis roulant, puis, voyant l'absence de résultat, décidaient d'en sauter. Dans le vide.
Mais ce vide n'était pas si vide. C'était le sol de l'usine.
Ensuite, ils se retrouvaient à errer dans l'usine en regardant tous les tapis roulants et les automates au-dessus.
Ils en concluaient qu'il ne fallait jamais suivre le tapis, qui menait à la montagne ignoble. Une montagne toujours laide, que l'on arrive à s'écraser tout en haut ou tout en bas.
Et finalement, ils finissaient par trouver la porte de sortie. La porte de l'Usine. Celle qui malgré les apparences, était ouverte, grande ouverte même. Devant cette porte il n'y avait d'autres vigiles que les mouches qui tournaient autour du cerveau des automates. Identiques à celles du début de ce récit. Ces mouches noires et poilues. Qui veillaient à les faire se détourner de la porte pour ne voir que l'autre direction, la montagne d'ordures. Qui veillaient à leur inculquer les principes de ceux qui avaient intérêt à ce que tous les automates suivent le tapis.
Je veux parler de ceux qui avaient des armures pour ne pas s'éclater sur la Montagne. Ceux qui naissaient avec des casques et des jambières, des coudières et des air-bags, et surtout qui naissaient sans articulations. Ils ne pouvaient détourner la tête du haut de la Montagne.

 
Sur le chemin tortueux mais morne que suivaient les tapis, il y avait beaucoup d'automates qui, après avoir sauté, finissaient par remonter.
Parfois même celui qu'ils avaient quitté ou presque.
Mais il y avait un petit nombre qui trouvaient la porte de l'Usine, lui disaient merde et la quittaient.
Et parmi ceux-là encore, il y en avait qui finissaient par rentrer, n'arrivant pas à vivre dans la forêt dense qui l'entourait.


Il ne restait plus que ceux qui vivaient à l'extérieur et qui pleuraient en pensant à tous ceux qui ne descendraient même pas du tapis. Qui toute leur vie avaient frappé sur les tapis, avaient gueulé en montrant la porte, avaient attaqué les murs de l'usine, de l'intérieur, puis de l'extérieur. Qui ne pouvaient pas être complètement libres tant que les automates continueraient à sortir des machines et à s'éclater sur la Montagne. Qui souhaitaient donc les libérer. Ils avaient compris que ce n'était pas en s'éclatant sur la Montagne qu'ils y arriveraient.

Quelques vents qui parcouraient encore la Montagne, soufflaient à ceux de l'Extérieur qu'un jour pas si lointain, il n'y avait pas l'Usine. Ni pour les jeunes automates, ni pour les vieux. Et que s'ils arrivaient à brûler la Montagne composée des corps des automates-ouvriers, l'Usine s'écrouleraient d'elle-même. Certes, cela écraserait une bonne partie des automates encore vivants. Mais de toute façon, ils s'écraseraient tous, un jour où l'autre, sur la Montagne si cet état des choses continuait.

Et il y avait de jeunes automates qu'on qualifiait alors de fous, qui rêvaient à des choses incensées et bannies de l'Usine. Des choses appelées "Justice" et "Liberté". Certains parlaient même d'une chose appelée "Révolte". 
Ces automates avaient vite été rattrapés par les mouches à penser qui s'étaient empressées de remplacer ces mots par "Lois" et "Travail". Et le dernier mot par "Consomme".


Un murmure, un imperceptible murmure tremblant, que même les vents n'osaient transporter, crachotait parfois un son étrange, qui suggèrait aux oreilles attentives de ceux qui dormaient dehors, un mot bien étrange. "Vérité". Mais on avait depuis longtemps oublié sa signification. Et puis, de toute façon, le fracas de l'Usine empêchait à quiconque de l'entendre.

                    _______________________________________________________________

Je vous le demande vraiment, automates qui me lisez peut-être.
Y'a-t-il une autre solution que de brûler la Montagne pour ne plus jamais la reconstruire ?
Y'a-t-il une autre solution que de démanteler, de détruire, centimètre par centimètre de béton, l'Usine bâtie dans nos têtes ?
Y'a-t-il une autre solution que de sauter du tapis ?
Y'a-t-il autre chose à écouter que le murmure des vents que le fracas de l'Usine nous empêche de comprendre ?

mardi 11 mai 2010

Marche ou Rêve.


Il ne s'agit pas d'une injonction d'un jeune homme impuissant à son engin trop mou. Simplement l'ordre d'un jeune connard qui croyait en l'amour, la charité et la soumission à une autorité supérieure à l'Homme. Qui créa une chose qui donna naissance ensuite à l'Inquisition, aux Croisades et à d'autres choses tout aussi joyeuses.

Marche. MARCHE BORDEL !
Marche dans les manifestations mais ne soit pas violent.
Marche dans la vie, fais carrière. Marche, marche, et ne t'arrête pas ! Le vieux monde est devant toi.
Marche sur les autres pour parvenir à tes fins, de toute façon si ce n'est pas toi ce sera ton frère.
Surtout ne marche pas sur les plates-bandes de l'Etat.

Marche ou rêve. Crrr...  

Rêve !
Le sens c'est la couleur de nos rêves, le sens c'est notre révolte.
Rêve et ne les suis pas. Rêve et ne marche pas sur leur pas.

Crrr...Rêve et ne fais rien, rêve mais continue à marcher ou fais toi discret.
Rêve mais ne raconte pas trop tes rêves, ça pourrait en conduire plus d'un à arrêter de marcher.
Si tu ne marche pas, c'est l'arrêt de marcher. La chute du marché.
Si vous ne travaillez pas, nous n'existerons pas !
Si vous ne vous soumettez pas, nous n'existerons pas !
Alors rêve si ça te plaît, mais marche. Ou crève.

Quicquonque est paresseux est un fardeau pour la Sôciété. Ren-ta-bi-li-té !

MARCHE. MARCHE. MARCHE.
RÊVE, mais alors de bagnoles, de fric et de grandes baraques. RÊVE d'un mariage heureux avec une femme, deux enfants et un chien. RÊVE de villas en Floride ou de Los Angeles. RÊVE d'une belle Merco ou de splendides pin-up ! RÊVE de tâches ménagères et d'être propriétaire !
RÊVE d'une vie meilleure qui n'arrivera qu'en se rapprochant le plus possible de la classe du dessus. RÊVE d'un monde impossible mais continue à faire marcher le nôtre. RÊVE de consommation, ou CRÈVE.

CRÈVE. CRÈVE. CR...

Je vois ces automates qui ne remettrons jamais en causes les bases du monde-un qui les a produit. Je vois ces humains-loques qui rampent dans ce Monde hideux. Je vois ceux qui prétendent être "chanceux". Je vois ceux qui se plaignent et espèrent la fin de la crise. Je vois tous ceux qui rampent pour leur salaire, qui jamais ne reconnaîtrons que l'ordre social est injuste à sa base. Je vois ceux pour qui le patronnat est devenu une norme, comme les supermarchés, les cités et les lampadaires. Je vois tous ceux qui cherchent à améliorer ce qu'ils voient donc comme une ébauche d'un monde parfait auquel il reste des défauts. Je vois les automates neufs et pas encore rouillés qui ne rêvent que de pétrole pour les alimenter et de métal pour s'en décorer. Je les vois espérer un paquet de métal sacré en admettant sans la moindre honte qu'ils se soumettrons toute leur vie comme ils le font toute la journée dans leur usine à adulte.
Il suffit d'en être un peu sorti pour voir qu'à côté de Babylone, derrière l'usine à adulte, c'est la Vie. Derrière, il y a des plaines, pas très vertes non, mais immenses et vides. Des forêts sombres dans lesquelles aucune tour ne pousse car aucun automate ne s'y aventure.

Surtout pas ! Ce ne serait pas sécuritaire.
Il vaut mieux continuer à marcher, et à rêver un peu histoire de colorier d'un rouge pâle la tôle grise qui te sers de coeur. De toute façon une fois qu'on a tué sa conscience, on peut colorier son coeur tant qu'on veut, il ne fait qu'envoyer du pétrole dans la machine. Alors marche, rêve et crève.

J'aime tous les Hommes pour ce qu'ils devraient être, mais je les méprise pour ce qu'ils sont.

"Vous avez cru jusqu'à ce jour qu'il y avait des tyrans ? Et bien, vous vous êtes trompés, il n'y a que des esclaves ! "

Et les esclaves sont souvent leur propre tyran...

La Défense (2)

La Défense. Ca brille tristement, c'est haut et c'est laid, surtout.
Du gris et du vert. De l'acier et du verre. Triomphe du Progrès.
Une zone industrielle.

Des costards noir qui avancent. Remplis par des choses qu'on appelle encore "Humains". Tu parles. Ce qui reste d'humain là-dedans, c'est l'anus, la bite et les yeux. Ca continue à regarder, à bander et à chier, mais à part ça c'est mort. C'est la Mort. Ce sont tous des morts qui avancent encore, aussi laids que leurs vies, aussi vides que leurs portefeuilles sont pleins, aussi sombres que leurs cravates, aussi lisses que les tours où ils travaillent.

Ils sont morts. Mêmes les plus beaux d'entre eux ont quelque chose de laid au coin de la bouche, en haut du front, à la limite des yeux. Ils avancent. Ils sont pressés. Ils lèchent le cul du supérieur parce qu'ils n'aspirent qu'à lui ressembler, à le remplacer. Compétition. Le mot sacré.

Pas seulement. En réalité, ils n'existent pas. Ils n'existent que dans l'oppression qu'ils opèrent sur le "petit peuple". Le personnel. Ils n'existent que dans l'oppression tout court, en fait.
Ils ont des femmes de ménage, voire des domestiques pour les mieux placés. Au bureau, mais aussi chez eux. Parfois, ils s'agit de leur femme. Ou de leur mari. Ou d'une personne inconnue qu'ils méprisent avec complaisance, qui est invisible humainement pour eux et qui n'en a rien à foutre de leur nettoyer leur maison, mais qui le fait pour les miettes qu'ils daigneront lui laisser. Pourtant, c'est elle qui les nettoie, les miettes.
Ils ne nettoient pas leur bureau, ils ne font pas leur bouffe, ils ne fabriquent pas ce qu'ils vendent, ils ne produisent rien, tout ce qu'ils possèdent vient de la production de ceux qu'ils méprisent. Ils ne vivent que pour le fric. Et puis aussi un peu, pour en jouir. Pour leur petite femme et leurs potes, assistés eux aussi. Et après les libéraux de droite crachent sur "l'assistanat" !

Je ne vous apprend rien.

Ils sont déjà morts.
Bronzés, temps grisonnantes, têtes de supermarché. Consomme.
Ils ne voient pas le problème ! Après tout, ils ne sont pas rentier, "eux aussi" ils bossent.
"Sans eux, les produits ne seraient pas vendus, donc bon, hein, tous ces ouvriers devraient leur être reconnaissants".
Après tout, ils les laissent leur rénover leurs baraques, leurs construire des bagnoles et des piscines. Comme ils sont généreux.
Sans eux, putain, qu'est-ce qu'ils feraient, tous ces sales prolos ?

Et bien ils seraient libres.
Libres comme des hommes et des femmes.


Qu'on reprenne à César ce qui est à nous.

lundi 10 mai 2010

La Défense.

Du verre. Du verre, du verre et encore du verre.

Le Progrès défiant la Nature. Allégorie de la bite dressée ?
L'intérêt de ces tours transparentes en apparence, mais abritant des choses bien moins transparente, est qu'au moins, c'est aussi moche qu'un HLM. Comme quoi.
Ce paradis. Il n'existe pas. Il n'y a rien à voir du haut de leurs monuments à la gloire du Capital. Un monument au Mort, quoi.

8:00. La masse noire arrive. Décervelé. Ca rentre, ça sort. Une grosse bite qui éjacule. Noir.
Des costards, des costards. Des cravates. Un cimetière qui grouille.
Sur la carte, ils indiquent que pas loin, il y a le cimetière de Neuilly. Mensonges. Le cimetière de la classe dirigeante, il n'est pas là, il est à la Défense. Les aristocrates pleins de cokes, ils sont peut-être enterrés à Neuilly, mais les réels enterrés vivants, ils sont à la Défense. Leurs valets travaillent pas loin, ça doit être rassurant pour les haut-bourgeois d'avoir une vue sur les tours où les costards s'échinent. Histoire de ne pas oublier le monde qu'ils ont créé. Tant de beauté dans ces tours et ces tunnels, ces parkings et ces bureaux. C'en est insoutenable.

10:00. On voit des costards remplis de chair humaine.
Il y a les costards des vigiles, les costards des valets qui jouent aux puissants, et les costards des dirigeants.
La mort, elle est là. Je la sens.

Argent virtuel, compétition, hiérarchie ma mie ! La Défense de quoi au juste ?
La défense. Comme celle des éléphants que les ancètres des cadres coupaient en Afrique pour le métal sacré, et dont aujourd'hui, ils ont fait leurs tours d'ivoire.
La défense. Défense de faire du bruit. Un cimetière d'acier, sans bruit. Silence on tue, silence on assassine. On charcute des loques déshumanisées et le responsable n'est pas là. Le responsable n'existe pas. Les costards se sont eux-mêmes coupé la tête. Des névrosés qui se frappent à longueur de journée, et qui aiment. Ils se flagellent, se coupent la gorge devant des écrans que leurs yeux fixent. L'élite de l'Humanité.

Bronzés, tempes grissonantes ou coupe au carré avec permanente. Magasins pour commerciaux. Moquette et baies vitrées. Un monde à part.
Un monde de loques. Déshumanisés aux commandes d'une société qui s'affaisse. Des assistés.
Désaxés. Il y a du personnel à l'entrée, du personnel qui nettoie, du personnel qui fabrique ce qu'on vend ensuite. Du personnel vulgaire et méprisé. Du personnel. Des esclaves au services de valets.
Où sont les maîtres ?
Aujourd'hui, les maîtres se cachent derrière l'anonymat des multinationales. Le monde est leur parcours de golf.
Où êtes-vous ? Où êtes vous, dirigeants d'une société pourrie ?

Je n'en peux plus. Je ne les vois pas mais je trimerais toute ma vie pour eux. J'ai déjà vu la "maison" (le chateau) de l'un d'entre eux, on me l'a montré, on me l'a décrit avec jalousie, mais il n'existe pas. Il n'y avait personne dans le "jardin" (le parc), personne à l'entrée, personne dans la voiture. Il n'y a personne ! Une cage dorée mais l'oiseau y est mort, il ne reste que les plumes qui tombent en tournoyant, les pattes qui serrent toujours le magnifiques barreau, le bec qui mange les graines, mais jamais la conscience ne renaîtra !

Amour ! Espoir s'il s'agissait de phoenix ! Je les imagine brûlant, mourant, renaissant de leurs cendres et détruisant leur cage, déployant leurs ailes atrophiées et lâchant enfin ceux qui avaient été assez stupides pour aller se nichez dans leurs pattes décharnées !

Désespoir.

Ce ne sont que des moineaux qui jouent à l'Aigle. Qui volent de tour en tour et de meurtre en meurtre. Ah, ce sont nos vies qu'ils volent.

La Défense. La Défense des Privilèges.
Un libéralisme incroyablement décomplexé mais qui se cache. Une classe dirigeante qui tue, mais qui répugne à regarder ses victimes.
Autrefois l'usinier avait la décence de vivre au milieu de ceux qu'il opprimait.
Aujourd'hui l'industriel travaille dans son immense bureau de la Défense, et ne passe dans ses usines que très rarement, et en évitant soigneusement les salariés. Toujours à râler, ceux-là. On les nourrit, on les loge, on les embauche, on leur refile des miettes, on bouffe sur leur dos et ça lutte contre nous.
 
La Défense est un monde illusoire. Il n'existe pas. Ou plutôt, sans le "petit peuple" qui vit loin d'Elle, elle n'existe pas. Le Capital entier n'existe pas. Aucun cadre, aucun patron n'existe sans ses esclaves. Ni ses dividendes, ni ses stock-options, ni ses bénéfices, ni ses bureaux, ni ses produits, ni rien.
Ce monde est un cimetière peuplé de créatures de tissus qui n'existent pas. Mais qui dirigent.

Leurs privilèges ne leurs servent qu'à acheter des boîtes plus grandes, des boîtes qui roulent plus vite, des boîtes qui volent plus haut. Ils sont déjà morts.

La Défense.
La Défonce, oui.

mercredi 5 mai 2010

La bombe.

Réponse à Eadgydh.

Dynamite dans le soir lointain. Explosif dans la presse à merdes. Bombe dans le magasin de jouets.
Quelle bombe ?
Celle qui, en roulant du cul, se fait prendre en photo pour couvertures de magazine retouchées à Photoshop ? Celle composée de mots, qui tombe dans la mare de boues des articles de journaux quotidiens, et qui par son explosion de sens éclabousse les mornes nouvelles apportées par le journal ?
Ou celle de Ravachol, nytroglycérine qui par son action, révèle à la bourgeoisie que les opprimés ne sont plus dupes, bombe éphèmère et non aboutie qui fut la cause de la mort de cet anarchiste, et non la cause de la mort de l'Oppression...
Bombe du désespoir qui se sait, seule, inutile, mais qui explose quand même, par révolte et par refus ?
Bombe des Justes, tuant le Grand Duc, bombe à lancer sur les puissants, pour tuer le despotisme. Bombe révolutionnaire, bombe du refus, bombe qui crache à la gueule du bourgeois : A la violence diffuse de l'oppression de classe, nous opposons la violence immédiate de nos bombes.
Quelle bombe, aujourd'hui ? Celle d'Emile Henry qui venge Ravachol et Vaillant en tuant des bourgeois au hasard ?
Quelle bombe ? La bombe H qui extermine des milliers de personnes pour une poignée d'élites (du moins dans son statut) qui elle, jamais ne sera tuée ? Guerre...
Quelle bombe ? Celle qui n'a jamais explosé et qui dans un an, peut décimer la France en un seul clic, en un seul boum? Qui fera tant de mort que l'horreur en disparaît pour laisser place à une statistique, un chiffre irréel et absurde de morts virtuels...Et pourtant bien réels.
Quelle bombe ? Celle de demain qui réduira la Terre en cendre ? Celles dont les écologistes bien pensants rejettent l'existence, se font voir dans des spectacles de "contestation" éphèmère, et au lieu de lutter contre le Monde qui la produit, publient des inutiles critiques au vitriol ?
Nous serons tous foutus dans du formol.
Moi, je regrette amèrement Ravachol.

Un gobelin dans le tromé.

Pâle habitude du métro parisien, vague mouvement monotone du wagon qui ne va nulle part. Un enfant, son père. Différents. Différents parce que sans argent, sans toit. Comme beaucoup de gens dans le monde. Qui s'en accomode très bien. Pas en France. En France, quand on n'a pas d'argent, on est différent...et on n'a droit à rien. Même pas la bouffe. Oh ! Il y en a assez pour tout le monde, ce n'est pas le problème. Oui. Le problème c'est qu'il faut payer. Même quand n'a pas d'argent, il faut payer. Si, si. 'Veut pas l'savoir. L'enfant et son père distribuent des cartes, toujours identiques, roses, avec toujours le même texte. Ils donnent du "Monsieur", "Madame" à des gens qui ne les regardent même pas.
Un jeune enlève son sac, donne une tablette de chocolat. Ce même jeune qui était assis à côté de moi pendant l'examen pour entrer en bac professionel aux Gobelins. Ce même jeune qui avait attiré mon attention deux heures auparavant. Voilà. Il est seul à faire ça.
Moi. Moi je dis à l'enfant "Je n'ai rien, désolé". Facile. Facile surtout que deux minutes après je me rappelle : j'ai une pomme dans mon sac. Ah. Merde. Je n'en n'ai pas besoin, moi. Eux, si. Je m'emballe, j'hésite ; ils sont à l'avant du wagon, je peux y aller. Oui, mais je n'ose pas : j'ai déjà dit "Non, j'ai rien, désolé". Comme tous les autres. Qu'est-ce qu'ils vont penser ? Qu'au départ je voulais pas leur donner la pomme ? Absurde questionnement. Ils ont faim, j'ai de la nourriture dont je n'ai pas réellement besoin. Trop tard. Ils se sont noyés dans la foule, la foule qui a les oreilles bouchées par des écouteurs, les yeux baissés sur des portables, la bouche crispée, les membres raides et le coeur mort.
La conscience...Vous l'avez foutue où, votre conscience ? Hein ? Pour devenir adulte, il faut la faire taire, sa conscience, parce que sinon on en crève ? Les sens coupés de la vie, assis dans vos métros qui vont à fond la caisse. Où ? On n'en sait rien. Vers le succès sans doute, la réussite, le travail, le fric. La mort, quoi.
Une femme. Plus tard une femme qui demande à chacun "Bonjour madame, bonjour monsieur, une petite pièce ou un ticket restaurant s'il vous plait. Bonjour madame, bonjours monsieur, une petite pièce ou un ticket restaurant s'il vous plait. Bonjour madame...".
Devant moi il y a un homme, grand, assez vieux, peau noire, costard cravate, valise. Il a un casque sur les oreilles, il dort. A côté de lui, sur le strapontin, il y a un jeune, gras, pompes de skate et parka. Il a un casque sur les oreilles, lui aussi. Il regarde devant lui, mais il ne voit rien. Elle répète son texte, deux fois, les yeux vides, ou même plus que vides ; les yeux du désespoir si profond qu'on n'en revient jamais. Le désespoir, parce qu'ils n'entendent même pas. Le gros skateur regarde devant lui, il n'entend pas, il ne voit rien. Elle n'existe pas. Elle se tourne. Elle n'écoute même plus ce que les gens répondent, puisqu'ils n'écoutent pas non plus. Elle répète son texte, quelle que soit la réaction. Les gens ont beau dire "Non, désolé" en secouant la tête d'un air faussement triste, ils n'échapperont pas cette fois à la répétition mécanique.
"Bonjour madame, bonjour monsieur..."
Une autre femme. Elle chante. Personne n'écoute.
Je tourne. Je tourne et je ne fais plus de regard faussement triste de petit bourgeois compatissant. Non. Je tourne mentalement, car physiquement je reste assis. Impuissance.
Je refuse. Non. Jamais plus je n'oublierais de donner ma pomme, mon sandwich ou mon bout de pain. Ce n'est pas une action de faire cette charité, c'est une non-action. Je déteste les gens qui s'y adonnent comme à un sport, une activité ou un passe-temps. Non. Moi, c'est simplement que si j'ai de la bouffe, je la donne quand je croise quelqu'un qui en a besoin. Un enfant au ventre creux dont les yeux brillent en voyant une plaquette de chocolat Max Haavelar. Un mot me vient : "Enculé". Non pas que je pense particulièrement que Haavelar est homosexuel, mais simplement parce qu'il est inutile...et dangereux.
Je ne crois pas en la charité. L'enfant mangera le chocolat, et demain il aura faim.
Oui. Sauf qu'il ne mangera pas ma pomme.
Je refuse. J'ai mal à la tête parce que je le savais, putain, que les gens s'en foutaient, que le monde était laid, que Paris est laid dans ses sous-sols, dans ses rues, dans ses boulevards et même dans ses appartements de luxe. Il est laid parce qu'il est misérable, il est laid parce qu'il permet ce genre de choses. Mais tu le savais, putain. Pourquoi ça te touche à chaque fois comme le premier jour où tu as vu ça ?
Parce que. Parce que mon coeur est encore là. Pour combien de temps encore, je ne sais pas. Aujourd'hui, j'ai la rage. Et demain ?